CFDT – CFTC – CGT – FSU – SUD – UNSA
Madame la Ministre,
Vendredi 14 avril au soir, le Conseil constitutionnel a rendu une décision lourde de conséquences pour la vie démocratique de ce pays, puisqu’elle permettra désormais à un gouvernement de faire passer en force des réformes sur les sujets les plus divers par le truchement de lois budgétaires rectificatives.
Dans la foulée, le président de la République s’est empressé de promulguer la loi sur les retraites, publiée de nuit, espérant ainsi tourner la page de cette séquence politique attentatoire à la démocratie, et par ailleurs extrêmement compliquée pour lui et l’exécutif.
Il pourra certes se prévaloir d’avoir gagné sur la forme, mais le peu de crédit qu’il pouvait encore avoir dans l’opinion est désormais nul. Ces méthodes qui fragilisent un peu plus la démocratie portent gravement atteinte à l’image de notre pays.
Non content d’accentuer les fractures françaises, le président de la République a choisi d’accélérer encore ses réformes, ainsi que nous l’a appris la Première ministre en meeting ce week-end, et comme il l’a lui-même confirmé dans son allocution hier soir.
Cette stratégie du choc est tout à fait cohérente avec la brutalité politique qui est, depuis janvier, assumée par le gouvernement dont vous faites partie : brutalité envers le monde du travail, envers les manifestants, envers les corps intermédiaires, comme envers la représentation nationale.
Mais elle démontre une fois de plus que le président de la République n’a pas compris, que vous n’avez pas compris, la colère qui monte dans notre pays.
La loi sur les retraites a donc été promulguée dans les pires conditions. Reste que, pour l’intersyndicale comme pour l’immense majorité de la population, la partie n’est absolument pas terminée et ne le sera certainement pas par la seule volonté d’un pouvoir de plus en plus sujet aux crispations autoritaires. Pour nous, comme pour plus de 70% de nos concitoyens, la lutte contre cette réforme injuste et inutile continue, et il n’est pas question de « passer à autre chose » sans autre forme de procès.
Les agentes et les agents de notre ministère, nombreuses et nombreux eux aussi à se mobiliser contre la réforme des retraites, connaissent tout notre attachement aux instances représentatives du personnel, et particulièrement au Comité social d’administration ministériel et, comme avant lui, au Comité technique ministériel. Ces instances que nous défendons sans relâche sont en effet le ferment de la démocratie sociale dans un ministère comme le nôtre, et notre engagement en ce sens ne souffre aucune ambiguïté.
Mais pour fonctionner, elles doivent se tenir dans un contexte politique et social qui le permette, un contexte d’écoute et de confiance, au moins relative, ce qui n’est à l’évidence pas le cas à l’heure actuelle. Par conséquent, nous ne siégerons pas au CSA-M d’aujourd’hui.
Si nous sommes donc amenés à ne pas siéger ce mardi 18 avril, c’est d’abord et avant tout pour lancer une alerte solennelle sur l’état de dégradation du dialogue social et pour vous inviter fermement à reconsidérer la situation et vos orientations.
A l’image du conflit qui secoue notre pays depuis déjà trois mois, la responsabilité de cette situation regrettable et que nous déplorons incombe au gouvernement auquel vous appartenez et dont vous vous montrez pleinement solidaire. Nous appelons pour notre part l’ensemble de nos collègues à un grand 1er mai unitaire, mais cela, elles et ils le savent déjà.
Paris, le 18 avril 2023