Impacts de la crise COVID-19 sur les femmes

Femmes au travail

Pour une grande partie, les personnels en 1ère ligne sont des femmes (agentes de service hospitalier, infirmières, aides-soignantes, agentes de nettoyage des locaux, agentes administratives, personnels dans les EPHAD, auxiliaires de vie à domicile …).
La crise a mis en lumière trois caractéristiques de leur travail : des salaires extrêmement faibles; des conditions de travail difficiles; la forte utilité sociale des métiers qu’elles exercent.

Les écarts de salaires entre les femmes et les hommes avant la crise ont renforcé les difficultés financières des femmes pendant le confinement. Leurs salaires sont inférieurs de 24% à ceux des hommes. Les effets du confinement ont donc eu des impacts négatifs comme le non-versement de certaines primes ou la réduction des salaires du fait du chômage partiel. En mars, certaines femmes n’ont pas perçu le complément de salaire pour garde d’enfant parce que leurs employeurs n’ont pas respecté cette disposition prise par l’état. Les femmes sont majoritaires parmi les salarié-es ayant un statut précaire (intérimaire…) et elles ont été nombreuses à subir des licenciements secs.

Il est donc urgent de mettre en œuvre dès maintenant un vaste plan de revalorisation salariale, d’une réelle amélioration de leur carrière et de leurs conditions de travail.

La non mixité des métiers est une des causes des écarts salariaux car les métiers féminisés sont toujours moins rémunérés. Pourtant ce sont les métiers les plus féminisés qui sont en 1ere ligne. Pour atteindre l’égalité il faudra agir aussi et rapidement sur les formations qui préparent à ces métiers : nécessité d’engager des mesures pour une éducation et une orientation à l’Egalité dans l’éducation nationale comme dans la formation professionnelle des salarié-es.

Partage des tâches et charge mentale

La répartition des tâches domestiques progresse très lentement dans les foyers ; en moyenne, au sein d’un couple avec enfant, une femme consacre encore 16 heures de plus qu’un homme par semaine aux tâches domestiques et parentales (étude INSEE « Economie et Statistique » du 29/10/2015) soit 2 heures par jour de travail supplémentaire non rémunéré. Le temps domestique (pris en charge à 71% par les femmes) comprend la somme des temps consacrés à la cuisine, vaisselle, ménage, entretien du linge, courses, achats divers, tâches administratives, activités de « semi-loisir » (bricolage, jardinage, soin aux animaux domestiques…). Le temps parental (pris en charge à 65% par les femmes) correspond aux activités consacrées aux enfants (soins, aide aux devoirs, activités de loisirs…).

Cette répartition inégalitaire des tâches au détriment des femmes est confirmée par un sondage récemment effectué par l’institut Harris Interactive qui montre que le confinement aggrave ces inégalités. Alors que presque 50% des femmes continuent de travailler (21% sur leur lieu de travail et 28% en télétravail), elles affrontent toujours la triple journée en cumulant le travail, la prise en charge des enfants et les tâches domestiques.

Dans cette période de confinement, les femmes effectuent en moyenne 30 minutes de tâches ménagères en plus que les hommes par jour (soit 3h30 de plus par semaine) avec un écart qui se creuse encore plus dans les couples sans enfant. Alors que le confinement impose aux familles de prendre tous les repas à la maison, les femmes s’occupent davantage des repas (63%). 56% d’entre elles aident les enfants dans leurs devoirs. 58% d’entre elles estiment passer plus de temps que leur conjoint à s’occuper des tâches ménagères et 24% de celles qui sont en couple avec enfants s’estiment non satisfaites de cette situation. Cette répartition inégale des tâches est un sujet de tension pour ⅓ des couples en situation de confinement (même 49% selon un sondage IFOP). Tensions majorées quand il y a des enfants au sein du foyer (un peu plus de 40%). Alors que les conjoints sont plus présents à la maison, une partie d’entre eux refuse d’abandonner leurs privilèges masculins et continuent de considérer que c’est aux femmes de s’occuper des tâches les plus ingrates et les plus chronophages.

La prise en charge éducative des enfants s’est elle aussi alourdie avec “l’école à la maison” puisque ce sont majoritairement les mères qui la prennent en charge.

Malheureusement l’étude de l’institut Harris n’aborde pas la situation des femmes à la tête de familles monoparentales (80%) qui sont percutées encore plus dans leur quotidien que les foyers en couple. Elles se retrouvent à devoir assumer seules l’ensemble des tâches à un moment où leur précarité financière risque d’être encore plus grande.

A un moment où les frontières entre la vie professionnelle et la vie familiale sont abolies, la charge mentale qui pèse davantage sur les femmes risque de s’aggraver aussi. En effet, ce temps consacré à l’organisation de la famille, la gestion mentale du quotidien, non quantifiable n’est pas comptabilisé dans ces statistiques. C’est le temps passé à anticiper, à faire des listes, à planifier, à coordonner dans sa tête toutes ces tâches. Cette charge mentale qui repose largement sur les femmes est encore plus invisible que le travail domestique non rémunéré. Si la situation de confinement devait se prolonger au-delà du 11 mai nul doute qu’il y aura d’autres conséquences sanitaires que celles liées au coronavirus. C’est le syndrome d’épuisement qui guette nombre de femmes, pouvant aller jusqu’au burn-out.

Cette situation de crise montre à quel point le travail d’éducation en matière de lutte contre les stéréotypes et discriminations de genre et que les revendications en matière de partage des tâches du quotidien portées lors des mobilisations féministes (23 novembre, 8 mars) sont plus que jamais d’actualité.

Violences faites aux femmes

En France, après plus de trois semaines de confinement, on dénombre une hausse de plus de 30% des violences conjugales depuis le début du confinement (+32% en zone gendarmerie et +36% en région parisienne). Alors que chaque année, 285 000 femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles d’un conjoint ou ex-conjoint et que l’an dernier 151 féminicides ont été perpétrés, le confinement actuel comporte un risque potentiel d’explosion de ces violences, les victimes n’ayant plus d’échappatoire face à leur agresseur. A un moment où les institutions, les « intermédiaires » sont éloignés ou limités, et où les tensions sont aggravées par la promiscuité, la mesure de la réalité de ces violences est difficile à établir de manière fiable et elle sera sûrement aggravée par rapport aux statistiques des années passées.

Malgré la multiplication des moyens de signalement, pour les femmes victimes de violences, s’isoler pour appeler les numéros d’urgence, signaler une violence en ligne (arrêtonslesviolences.gouv.fr) ou signaler une violence en pharmacie est encore plus difficile en période de confinement car elles sont sous la surveillance constante de leur agresseur et ne disposent pas toujours des moyens matériels pour le faire.

Depuis le 1er avril, les victimes de violences conjugales peuvent alerter police, gendarmerie, SAMU et pompiers par SMS, en envoyant un message au 114. Ce nouveau dispositif vise à faire face à l’augmentation des violences conjugales depuis le début du confinement. Le 3919, numéro d’écoute national pour les femmes victimes de violence, reste ouvert du lundi au samedi de 9h à 19h.
Nous Toutes a recensé tous les dispositifs pour les femmes et enfants victimes de violences ouverts pendant le confinement, au niveau local comme au niveau national.

Pour faire face à cette situation exceptionnelle, développer des systèmes d’alerte ne suffit pas, il est indispensable de mettre en place des mesures de protection des victimes de violences et d’abonder de façon significative les moyens octroyés aux associations de prévention et de lutte contre ces violences par le déblocage d’un budget exceptionnel.

Femmes à la rue

Environ 2 SDF sur 5 sont des femmes (environ 38%, et dont 43% sont né-es à l’étranger). Ces situations comprennent celles des femmes sans abri (5% au total mais 17% à Paris), en hébergement collectif, en hôtel, en CADA… Les raisons pour lesquelles elles se retrouvent à la rue sont diverses (absence de papiers, précarité financière, difficultés d’accessibilité au logement …) et leur quotidien est très difficile à vivre.

Dans l’imaginaire collectif les représentations que l’on se fait des SDF sont plutôt celles d’hommes isolés, français, visibles dans l’espace public. Or, parmi les SDF il y a de plus en plus de réfugié-es mais aussi de femmes. En revanche, elles bénéficient de conditions d’hébergement plus stables que les hommes, du fait des normes sociales qui veulent que les femmes soient davantage associées au foyer et les hommes à la sphère publique. Elles sont donc moins visibles dans l’espace public. La nuit, elles vont privilégier des lieux fréquentés ou chercher refuge au sein de commissariats ou d’hôpitaux, ou dans des lieux de dissimulation comme des parkings. De jour, elles vont tenter d’apporter des soins à leur corps et ont des pratiques de la manche plus discrètes. Car être visible dans la rue, c’est s’exposer aux regards des autres et à leur jugement.

Ces femmes à la rue subissent encore plus les effets terribles d’une crise difficile pour tout le monde : fermeture de lieux leur permettant d’assurer leur hygiène (douche, précarité menstruelle) ou de s’alimenter, fermeture des services sociaux qu’elles fréquentaient. Si elles peuvent survivre aujourd’hui dans des conditions indignes, inacceptables, c’est grâce à la solidarité et l’entraide de proximité, aux associations de terrain qui se démènent pour leur proposer une offre de services de première nécessité. Aujourd’hui, sans protection face au risque épidémique, elles sont en situation de vulnérabilité sanitaire. Au-delà des difficultés matérielles auxquelles elles sont confrontées, elles sont encore plus exposées aux violences de genre (violences sexuelles et sexistes, physiques ou psychologiques) car elles ne trouvent plus refuge au sein de structures d’accueil.

Comme pour la lutte contre les violences faites aux femmes, il est indispensable de revendiquer que l’Etat assume son rôle pour construire des solutions plus dignes et plus durables pour les plus précaires dans la société. Un grand plan d’urgence qui se préoccupe réellement de celles et ceux qui sont mis en marge de la société est incontournable.

IVG et produits de 1ère nécessité

Alors que les politiques d’austérités et les lois successives contre l’hôpital en particulier avec la fermeture de centres IVG ont compliqué l’accès à l’IVG et l’ont rendu inégalitaire en fonction du lieu d’habitation, la crise actuelle aggrave encore la situation.

Plusieurs établissements hospitaliers et centres de planification n’assurent plus leurs missions dans ce domaine pour donner la priorité aux malades du Covid-19 et par manque de matériel, cela met les femmes en difficulté pour respecter le délai de 12 semaines pour une IVG. Un amendement visant à allonger ce délai légal de deux semaines pendant le confinement a été rejeté par le Sénat.

Une pétition (https://bit.ly/34svcyG) a été lancée par le collectif féministe «Avortement, les femmes décident » dont la FSU est partie prenante. Grâce à cette mobilisation, depuis, le délai pour une IVG médicamenteuse a été rallongé.

Des femmes ont rapporté sur les réseaux sociaux avoir été verbalisées après être sorties acheter des serviettes hygiéniques, des tampons ou encore des tests de grossesse. Certains membres des forces de l’ordre ne considèrent pas encore ces produits, qui sont pourtant indispensables aux femmes, comme de 1ère nécessité. C’est l’illustration du sexisme ordinaire auquel les femmes sont aussi confrontées dans cette période si particulière.

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