L’onde de choc provoquée par le cambriolage de la Galerie d’Apollon, ce dimanche 19 octobre 2025, dépasse la simple consternation patrimoniale. Ce vol audacieux met en lumière de la manière la plus brutale qui soit les conséquences des politiques de coupes budgétaires et de réduction des effectifs, que nous avons maintes fois dénoncées. Alors que les collègues du Louvre sont encore sous le choc, le projet de loi de finances Culture 2026 présenté vendredi résonne déjà comme l’aveu d’un abandon.
Si l’événement de dimanche ressemble à un scénario de film, il est le fruit de politiques austéritaires assumées par les gouvernements de droite.
En quelques minutes, quatre individus ont pu dérober des pièces inestimables du patrimoine national, laissant derrière eux une couronne endommagée et un sentiment partagé de consternation. Si la rapidité et l’apparente facilité de l’action interrogent, elles ne surprennent malheureusement pas ceux qui, en interne, alertent depuis des années sur la fragilisation croissante du plus grand musée du monde.
Ce « désastre », comme l’a qualifié le syndicat SUD Culture, n’est pas un coup du sort. Il est l’aboutissement logique d’une série d’alertes ignorées. En juin 2025, des agents exerçaient leur droit de retrait, dénonçant un « sous-effectif chronique » qui rendait leurs missions de surveillance intenables. En avril, la CGT-Securitas pointait du doigt un « matériel défectueux » et des consignes de sécurité fluctuantes. Depuis des mois, des alertes étaient faites sur la vétusté du bâtiment et les dangers de l’externalisation massive des missions de sécurité, qui créent des failles dans le dispositif.
Ces avertissements, émanant du terrain, ont été balayés par une logique comptable implacable, dont le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 est la plus froide illustration. Présenté la semaine dernière, ce budget est un coup de massue pour le secteur : il acte une baisse historique de 170 millions d’euros des crédits alloués au ministère de la Culture.
Plus grave encore, et en lien direct avec les causes probables du cambriolage, le PLF 2026 grave dans le marbre la suppression de 171 postes (équivalents temps plein) au sein du ministère ainsi qu’une coupe franche dans le budget du patrimoine. Ces coupes ne concernent pas seulement l’administration centrale ; elles touchent les directions régionales (DRAC) et, surtout, les grands opérateurs nationaux, dont les musées comme le Louvre qui sont en première ligne du rabot budgétaire.
Un cambriolage comme symptôme d’un État quasi-défaillant
Nous sommes donc face à une contradiction politique flagrante.
Côté face on annonce avec faste le projet présidentiel “Pour la Nouvelle Renaissance du Louvre” et côté pile on laisse se détériorer le patrimoine existant. Pendant que la ministre multiplie les annonces soi-disant “ambitieuses” – plans pour la culture en zone rurale, feuilles de route pour soutenir les festivals – son gouvernement dégonfle ses prétentions en imposant une austérité destructrice pour le monde de la culture dans son ensemble.
Le vol du Louvre est la confirmation tragique des craintes que nous n’avons cessé d’exprimer. Comment assurer la sécurité de 73 000 m² d’espaces d’exposition, abritant les œuvres les plus précieuses du monde, tout en réduisant le nombre d’yeux et de bras chargés de les surveiller ? Alors, les 170 suppressions de postes prévues au budget de la culture ne sont plus un chiffre abstrait dans un tableau Excel, elles concrétisent l’abandon de l’Etat par une caste politique aussi réactionnaire qu’inconséquente.
Le cambriolage d’hier n’est pas un fait divers ; il est le symptôme d’un État quasi-défaillant, qui privilégie les nouveaux projets et l’événementiel au détriment du fonctionnement des services publics. Pour le Louvre, comme pour le plan cathédrale, une politique culturelle ambitieuse nécessite une ligne et une constance et non des effets d’annonce en réponse à l’émotion causée par des catastrophes.
En choisissant de ne pas écouter ses agents et de couper une fois de plus dans ses moyens humains, le gouvernement crée les conditions de sa propre vulnérabilité.
Les voleurs de la Galerie d’Apollon n’ont fait qu’exploiter une brèche que le pouvoir politique s’évertue à creuser lui-même, budget après budget.
Nous exigeons une rupture claire avec les politiques austéritaires. Nous exigeons des moyens permettant le fonctionnement des services publics. Nous exigeons des recrutements et des concours. Nous exigeons que les agents et leurs représentants soient enfin entendus et pas simplement écoutés !
