La loi dite « de simplification de la vie économique » doit être soumise au vote de l’Assemblée nationale le 6 mai prochain, après une procédure accélérée exigée par le gouvernement.
Des régressions démocratiques et environnementales et, au passage, la fin de l’archéologie préventive sur les grands projets d’aménagement…
Proposées par quatre députés Horizon parmi de nombreuses autres mesures de régression démocratique et environnementale, de nouvelles dérogations permettront de s’affranchir des études d’impact écologique et archéologique sur des projets déclarés d’intérêt majeur « pour la souveraineté nationale ou la transition écologique ».
Un amendement, d’ores et déjà adopté en commission, prévoit que ces opérations d’aménagement et de construction d’intérêt majeur ne seront plus soumises aux obligations de l’archéologie préventive (celles inscrites dans le code du Patrimoine).
Effet « A69 » ou souffle trumpien, en tout état de cause les parlementaires des droites plus ou moins réactionnaires semblent s’être mis d’accord pour détruire sans entraves notre patrimoine naturel et culturel.
Si cette loi passe, nous aurons basculé de « Make the planet green again » à « Drill, baby drill »…
Grâce à la lutte des archéologues, grâce à aux conventions internationales, la France s’est doté depuis 2001 d’un dispositif d’archéologie préventive régi par le code du Patrimoine. Depuis, ce sont 2 500 à 3 000 opérations d’archéologie préventive qui sont réalisées chaque année en France par près de 4 000 archéologues de l’Inrap, des services territoriaux et des sociétés agréées prescrites et contrôlées par les archéologues du ministère de la Culture.
L’apport scientifique de ces recherches est incontestable. Au fil du temps, le professionnalisme des équipes et l’intérêt croissant des citoyens pour leur patrimoine et leur histoire ont fait de l’archéologie préventive une nécessité acceptable pour presque tous les aménageurs.
Avec cette loi, si elle passe, ce sont quarante ans ans de luttes pour une archéologie de service public qui partiront en fumée. De surcroît, la loi mettra l’État en contradiction avec ses engagements internationaux, la France étant signataire de plusieurs conventions internationales pour la préservation et l’étude du patrimoine archéologique. En particulier, la convention de Malte de 1992 l’engage à intégrer les préoccupations de sauvegarde archéologique dans les politiques d’aménagement. Mais visiblement, du côté des intérêts économiques et les idéologues de la déréglementation tout le monde s’en fout !

Cette opération de saccage sera ainsi l’aboutissement d’un drame en quatre actes. La FSU Culture, comme une large majorité de la communauté archéologique, le dénonce aujourd’hui haut et fort :
acte 1 : « Travailler plus avec moins ». On entrave le bon fonctionnement d’un dispositif en abaissant les moyens.
Ces dernières semaines, les archéologues de l’Inrap et des DRAC se sont mobilisés pour dénoncer la réduction drastique des moyens d’intervention de l’Inrap pour les opérations de diagnostic, avec pour résultat la mise au chômage de centaines d’archéologue et des retards de chantiers de moins en moins acceptables pour nos concitoyens.
Ces réductions de moyens, dans le contexte d’une crise budgétaire qui touche particulièrement le monde de la culture, surviennent après des années de disette dans la fonction publique, dans les établissements publics comme l’Inrap, comme dans les services de l’État, comme les services régionaux de l’archéologie. Les missions de service s’accroissent et les moyens humains et matériels s’amenuisent (peu de recrutements, et le plus souvent précaires, non renouvellement des nombreux départs à la retraite…). Les services territoriaux d’archéologie qui réalisent une part importante des opérations préventives sont fragilisés à la fois par un système de financement pénalisant et par un contexte de crise budgétaire des collectivités territoriales.
acte 2 : « Faire moins avec moins ». Ou comment on tente de sauver le dispositif en réduisant les objectifs et la qualité.
Oubliant peu à peu les objectifs d’une mission de service public, comme pour la santé, comme pour l’éducation, les dirigeants, à la fois hauts fonctionnaires et petits comptables, ont mis en œuvre des managements toxiques basés sur le reporting et l’optimisation des coûts, des jours-hommes dans des tableurs, pour n’obtenir que casse sociale, mal-être au travail et baisse de qualité du service rendu.
Dernier exemple : les injonctions du ministère de la culture à ses agents en DRAC pour les forcer à adapter le nombre et la nature des prescriptions d’opérations d’archéologie préventive aux moyens d’intervention volontairement diminués de l’Inrap et des services territoriaux habilités…
acte 3 : On laisse s’installer le sentiment que le dispositif ne fonctionne pas, et qu’il n’est pas soutenable.
Alors que le dispositif d’archéologie était accepté, parce que son coût était acceptable et que son intérêt était reconnu, les temps d’attente pour une intervention avant travaux explosent comme jamais, mettant en péril l’acceptabilité même de l’archéologie préventive.
Le patrimoine archéologique est ainsi menacé, le service public de l’archéologie est fragilisé et l’ensemble des archéologues est précarisé·es… Or cette situation pourrait être en grande partie réglée si les revenus fiscaux mis en place pour le financement de l’archéologie préventive (Taxe et Redevance d’archéologie préventive) étaient utilisés… pour l’archéologie préventive !
Malheureusement depuis 2016 une part croissante de ces recettes fiscales échappe aux services publics de l’archéologie préventive.
acte 4 : On casse le dispositif.
Nous dénonçons donc cette nouvelle offensive menée par certains parlementaires dans le cadre du projet de loi « simplification de la vie économique » qui entraînera une crise sociale chez les archéologues, qui entraînera irrémédiablement des arrêts de chantier très coûteux en raison d’irrémédiables découvertes archéologiques « fortuites » et qui risque de détruire irrémédiablement des éléments de notre histoire et de nos paysages.
