Après avoir annoncé son intention de fermer plusieurs écoles d’art, la ministre souhaite aujourd’hui s’attaquer au dispositif de l’archéologie préventive, en tenant au passage des propos méprisant pour les archéologues.
Jeudi 4 avril, Mme Rachida Dati visitait le chantier de restauration du château de Dampierre-en-Yvelines, propriété du milliardaire Francky Mulliez. Ce chantier à 100 millions d’euros (acquisition comprise) constitue l’une des plus grosses opérations menées sur un monument historique privé en France. Le riche héritier avait déjà fait savoir comment il avait été agacé par les « tracasseries » administratives ; on parle bien-sûr ici des règles liées au code de l’urbanisme et au code du patrimoine, et non des exemptions fiscales. On se rappellera que les travaux de rénovation réalisés sur un Monument Historique peuvent être déductibles sans limite et hors plafonnement des niches fiscales (c’est donc les contribuables qui en paient une grande partie).
Après avoir félicité le travail de l’Architecte en Chef des Monuments Historiques qui suit ce chantier et rappelé l’importance des missions des Architectes des Bâtiments de France (mais connait-elle vraiment la différence entre un ACMH et un ABF ?), la ministre a annoncé (article du Parisien et tweet du 5 avril) que la législation sur le patrimoine sera bientôt adaptée au bâti ancien, afin « de simplifier le protocole, d’adapter les normes ». Elle souhaite que « ne soient retenues que les prescriptions archéologiques indispensables » et déclare souhaiter également que « des dérogations pour les prescriptions archéologiques soient possibles », laissant ainsi entendre une modification à venir du code du Patrimoine.
Par sens de la provocation ou en raison de sa méconnaissance des métiers du patrimoine, ou plus trivialement par réflexe empathique qui amène souvent un ministre macroniste à dire aux puissants ce qu’ils ont envie d’entendre, la ministre s’est même permis la magnifique déclaration suivante « il ne faut pas faire des fouilles pour se faire plaisir », « je préfère mettre de l’argent dans la restauration du patrimoine plutôt que de creuser un trou pour creuser un trou ».
Après des menaces répétées les 18 et 20 mars derniers sur le devenir des écoles supérieures d’art (on parle ici des écoles publiques bien-sûr) la ministre de la Culture semble déterminée aujourd’hui à détricoter le dispositif réglementaire actuel qui permet de conserver par l’étude les vestiges condamnés à disparaître du fait des travaux de construction ou d’aménagements, mais aussi à accompagner les travaux menés sur les monuments anciens en apportant des connaissances le plus souvent inédites permettant ainsi d’éclairer les choix à faire en matière de restauration. Cette volonté de s’en prendre aujourd’hui à l’archéologie préventive va au rebours des attentes de nos concitoyens attachés à leur histoire et leur patrimoine.
Ces nouvelles attaques contre l’archéologie ne nous étonnent guère. Les politiques menées depuis plusieurs années n’ont eu de cesse de faire des cadeaux aux plus riches de notre pays aux dépens des biens communs et de l’intérêt général. Dès 2017, dans la droite ligne des années Sarkozy, le président Macron avait montré son attachement au roman national, à l’histoire façon « Puy du Fou » et au Patrimoine à la sauce Stéphane Bern, plutôt qu’à la recherche universitaire et aux scientifiques qui la font vivre. Mme Dati ignore, ou méprise, les indéniables apports de l’archéologie préventive à la connaissance de l’histoire et du patrimoine.
Les déclarations de la ministre sont particulièrement insultantes pour les archéologues, et en particulier ceux du ministère de la Culture, que ce soit les archéologues de l’Inrap qui n’apprécient guère que leur ministre de tutelle les soupçonne de « faire des trous » pour se faire plaisir, que les archéologues des Services régionaux d’archéologie dont la mission principale est justement de faire des choix de prescriptions archéologiques raisonnés en veillant à concilier protection du patrimoine et nécessités de l’aménagement du territoire.
Plutôt que de donner des moyens décents aux écoles supérieurs d’art, la ministre de la Culture envisage d’en fermer une partie. Plutôt que de renforcer les services déconcentrés du ministère de la Culture, elle dénigre les agents des SRA qui exercent leurs missions dans des conditions sans cesse dégradées. Plutôt que de donner aux archéologues du service public, Inrap et territoriaux, en charge en particulier des diagnostics d’archéologie préventive, les moyens qui leur permettraient d’intervenir rapidement, et dans de bonnes conditions, en préalables aux projets d’aménagement, la ministre souhaite d’avantage de dérogations, c’est à dire plus de destruction de sites archéologiques.
La FSU Culture dénonce donc les propos de la ministre, regrette l’amateurisme et l’inconséquence de ses déclarations, et rappelle son attachement à la continuité de la chaîne opératoire de la conservation du patrimoine, des archives du sol, depuis les études jusqu’à la protection et la restauration.