Paul Rocher, Que fait la police ? et comment s’en passer, Paris, La Fabrique éditions, 2022.
L’institution policière comme problème, son rôle, et ce qu’il faut en faire dans une perspective de transformation de la réalité du monde ne sont pas questions nouvelles. Pour partie elles renvoient, dans différentes de ses théories, à celle de l’État et de sa forme, de sa place et, dans la même visée, de son éventuel devenir.
De ce point de vue le livre de Paul Rocher est particulièrement éclairant, tant s’agissant d’un diagnostic de l’institution policière et des fonctions qu’elle emplit dans le monde qui est le nôtre, que dans l’historicisation de ce qui ferait sa nécessité, ses modalités d’articulation à l’appareil d’État, aussi dans la convocation et l’analytique d’expériences historiques alternatives à une « force publique professionnelle organisée dans une institution distincte du reste de la société » (p. 15) comme provisions pour l’avenir.
Plus, ce livre est, pour nous, précieux dans la construction d’une contre-hégémonie culturelle et idéologique, comme d’espaces oppositionnels. C’est par conséquent de ce point de vue qu’il s’agit ici de le saisir, laissant de côté d’autres points de débats qui seraient repérés et permis.
Pour répondre à la question qui fait titre — Que fait la police et comment s’en passer ? —, plus précisément à ce qu’elle est (p. 12), Paul Rocher déploie une argumentation en trois mouvements qui sont autant de propositions qui alimentent et viennent construire la thèse d’une impossible réforme et de la nécessaire abolition de la police. Le tout appuyé sur des travaux en sciences sociales (histoire, anthropologie, sociologie…), des statistiques, etc.

1. Le premier de ces mouvements, mettant au travail des « connaissances factuelles » (p. 8), instaure l’espace d’un conflit d’assertions, contestant et réfutant les récits de la domination qui assurent que la police serait un dispositif de protection de la population. Nous nous arrêterons un peu longuement sur ce premier mouvement, important parce que mettant en tension les discours de la domination qui se présentent comme relevant de la vérité. L’argument se déploie en deux temps, d’abord venant décorréler les relations entre moyens de la police, état de la société et niveau de la délinquance, puis caractérisant l’institution policière.
1.1. Alors que ces mêmes récits avancent régulièrement que la police manque de moyens, l’auteur, mobilisant différentes sources, pointe une augmentation des postes de dépenses liées à l’appareil policier de 35% entre 1995 et 2019, une hausse de 30% des effectifs dans les trente dernières années. « […] par rapport à sa population, la France dispose aujourd’hui de plus de policiers qu’un État autoritaire comme la République démocratique d’Allemagne (RDA) en 1962. » (p. 25-26)
De même ses capacités d’intervention se sont vues renforcées avec, s’agissant de l’équipement, un quasi-triplement des dépenses entre 2012 et 2016, dépenses qui, depuis cette date, ne passent pas en dessous de 300 millions d’euros. Parmi celui-ci les armes dites non létales avec, dans le recours à leurs usages, pour effet l’intensification de la brutalisation. Ou la caméra, dispositif qui donne à la police — ce qui peut paraître contre-intuitif — le monopole narratif.
Au-delà et avec ces moyens et leurs approches quantitatives, l’intensification de l’encadrement policier de la société apparaît reposer également sur l’apparition d’un certain nombre de dispositifs nouveaux. Ainsi de la technopolice avec la mise en algorithmes des pratiques policières, les drones, la reconnaissance faciale… Aussi l’accroissement numérique des agents municipaux dont le nombre a triplé entre 1990 et 2020 et l’extension de leurs compétences et armements. Encore les entreprises privées de sécurité (environ 170 000 personnes) à qui des missions de sécurité publique peuvent être délégués et de nouvelles compétences légales octroyées comme de relever une identité ou retenir une personne. Enfin la promotion de la surveillance mutuelle matérialisée, pour exemples, le plan Pharos, l’édition de guides pour l’identification de « signes d’alerte » (p. 51) d’un hypothétique futur passage à l’acte, la pression sur ceux qui ne s’associent pas à cette police prédictive comme en 2019 où les universités sont pointées par le préfet Delpuech pour leur insuffisance de collaboration avec la police (p. 54), et proposée la création d’un référent radicalité et d’un comité de sureté dans chacune d’entre elles[1]. Plus tard, le ministère de l’Enseignement supérieur, après la diffusion d’une vidéo en avril 2021 où certains de ses membres font la fête après le couvre-feu en pleine période de confinement, dénoncera une « société de délation avec des personnes qui filment aux fenêtres des collaborateurs de cabinet qui bossent 16 heures par jour, 7 jours sur 7, observant la vie au quotidien d’un ministère et attendant le moindre faux pas » (cité p. 54). Comme une asymétrie de légitimité à être surveillé, aussi de la valeur donnée au travail des uns et des autres.
A ceux qui répondraient que loin de manifester un projet politique, l’intensification de l’encadrement policier de la société, en moyens et dispositifs, répondrait comme en un reflet, à son état, l’auteur objecte par une critique des données construites par les statistiques du ministère de l’Intérieur, ignorantes de la « frénésie législative » (p. 62) qui crée de nouvelles incriminations et transforme des contraventions en délits. Instruments de gestion de la police et de communication de son ministre, elles ne sont guère plus que le reflet des activités policières et font peut-on dire office de police discursive. L’auteur entend s’appuyer sur d’autres sources, les enquêtes de victimisation[2], qui indiquent une légère hausse des agressions dans les années 1980 et au début des années 1990, puis une stagnation et une baisse depuis 2002. Cette posture permet de s’extraire de la discursivité policière et d’empêcher de se voir imposer la formulation de ce qui serait un problème à résoudre[3].
À l’argument du même ordre qui voudrait qu’à l’accroissement de la présence policière corresponde la baisse de la délinquance Paul Rocher oppose différentes études et recherches réalisées aux Etats-Unis, qui pointent l’absence de corrélation entre la hausse des dépenses de police et le taux de criminalité. Pire « […] entre 2013 et 2016, les données américaines indiquent une baisse simultanée du nombre absolu de policiers et du taux de crimes violents » (p. 69). Ou citant Elinor Ostrom revenant sur ses travaux et ceux de son équipe[4] : « Dans toute cette série d’études, personne n’a trouvé un seul cas où un grand département de police centralisé a été capable de systématiquement dépasser la performance d’un département plus petit » (cité p. 69).
1.2. Alors si la police ne peut être contenue dans l’idée du dispositif de protection dont on nous parle, qu’est-elle ? La réponse se construit en deux temps.
Elle est l’un des lieux d’institution et d’exercice de discriminations, d’abord raciales. À regarder les violences policières ou pointer des individualités au comportement raciste, parties visibles de la domination des corps, les discriminations ordinaires sont oubliées — pratique systémique, partie de l’habitus policier, composante de la socialisation professionnelle et des stéréotypes qu’elle transmet[5] —, principalement exercées dans les quartiers populaires et dont l’instrument central est le contrôle d’identité qui, tout à la fois, donne un pouvoir discrétionnaire aux policiers et dont la cible est principalement le non-Blanc. En 2009 l’étude, pionnière, de Fabien Jobard et René Lévy, sociologues, montre que selon leurs sites d’observation, les Noirs couraient entre 3,3 et 11,5 fois plus de risques d’être contrôlés que les Blancs, et les Arabes entre 1,8et 14,8[6]. En 2019 le Défenseur des droits pointe la même « discrimination systémique » qui conduit à la surreprésentation de populations issues de l’immigration lors des contrôles d’identité (cité p. 72-73). Même, le harcèlement discriminatoire peut être encouragé par la hiérarchie policière alors que Sébastien Roché, autre chercheur, affirme que les contrôles touchent à 95-97% ceux à qui on ne peut rien reprocher et met en doute leurs effets dissuasifs. La hausse de l’activité policière entraine relativement moins de condamnations, ce qui veut dire plus d’arrestations d’innocents, notamment jeunes et racisés.
De la même façon, le sexisme de l’institution policière ne peut pas plus se résumer aux interactions dans les commissariats entre agents et victimes de violence sexistes. Les études anglo-saxonnes, comme l’enquête journaliste Silence on cogne, pointent le caractère systémique des violences conjugales chez les policiers et les gendarmes. Là-encore Rocher met en avant le caractère structurant du sexisme et du virilisme dans l’institution policière, tant s’agissant des relations dans le groupe et leur construction, que dans la sélection des populations cibles[7]. On pourrait aussi se reporter au travail de Geneviève Prouvost Profession : policier. Sexe féminin qui, entre autres choses, souligne que les femmes policières apprennent que l’acquisition de l’égalité s’acquiert par ressemblance au genre viril[8].
Après ce premier temps qui permet de répondre partiellement à la question de ce que fait la police, un second vient souligner la brutalisation du maintien de l’ordre et l’explosion des violences policières contre les mobilisations populaires en 10 ans, par exemple la multiplication par 9 du recours à des armes dites non létales entre 2009 et 2018, encore le nombre de blessés dénombrés par l’observatoire des street-medics, 243 00 en 18 mois au moment du mouvement des Gilets jaunes[9]. Cette « tendance lourde » (p. 86) s’accompagne d’une minimisation de son ampleur par les autorités gouvernementales : sous-estimation statistique, absence de prise en compte s’agissant des policiers blessés du caractère accidentel de leurs blessures, dénégation communicationnelle de la possibilité de l’existence de violences policières.
Sur ce dernier point on se rappellera différentes scènes du « Grand débat », parmi lesquelles celle de la prise de parole d’une militante de la Confédération paysanne, ayant rejoint les le mouvement des Gilets jaunes, sortant de sous son pull un pendentif gilet jaune, et confrontant Macron — ce qui n’est pas sans courage physique — à l’existence d’un ordre répressif et d’arrestations préventives. Sous le regard de Castaner et face à un air présidentiel suffisant d’autorité qui, sans surprise, entend s’inscrire en faux, délivrant bons et mauvais points entre celles et ceux qui composent le mouvement des Gilets Jaunes. Et qui, pour finir, sous les applaudissements du public, recourt à l’usage de cet argument usé jusqu’à la corde, disqualifié à ce moment du parcours dans le livre de Rocher, et pourtant répandu :
« Le jour où vous serez attaquée par quelqu’un, le jour où vous aurez un assaillant, le jour où un terroriste viendra peut-être, ce que je ne vous souhaite pas, vous appellerez qui ? Vous n’appellerez pas ceux que vous êtes en train de défendre. Vous appellerez un policier ou un gendarme. Parce que c’est l’ordre public et il intervient pour la sécurité de tous. »[10]
Ce qui revient à relégitimer la police par l’un de ses services même si ce n’est pas sa fonction principale (p. 216). « Même des gens qui ne l’apprécient pas ou la craignent pensent souvent qu’ils ont besoin de la police » écrit Kristian Williams dans Our Enemies in Blue : Police and Power in America (cité p. 216). Mais aussi à reprendre les discours de sa propre légitimité par la police, ou encore les récits vocationnels dont on mesure la distance d’avec les pratiques policières[11].
2. Au terme de ce premier mouvement, la police relève plus d’une lutte contre une partie de la population que de la protection de sa totalité, d’une gestion située de l’ordre social existant. La voilà, à mon sens, l’un des dispositifs de la production d’une exclusion et d’un écart. Il convient là de rappeler que le départage entre « ceux qui, dans nos sociétés, occupent fantasmatiquement la place de l’autochtone et tous les autres est l’un des plus décisifs, les plus efficaces et fonctionnels parmi ces “gestes” du gouvernement des vivants »[12]. Soit un gouvernement à l’exclusion, au-delà d’ailleurs de la question raciale.
Pour autant la question d’une nécessité a-historique de la police reste intacte tant qu’il serait possible d’opposer à Paul Rocher le caractère conjoncturel de ce qui est caractérisé dans son premier mouvement. A cela il répond en un second mouvement, distribué en plusieurs chapitres, où fermant cette potentielle objection, il va d’abord historiciser la naissance de la police moderne — comprise comme la professionnalisation d’une fonction et la production d’une distinction du corps qu’elle produit — en l’articulant avec celle du capitalisme, puis s’interrogeant sur la « place systémique » (p. 135) de celle-ci en relation avec la forme -État moderne.
2.1. En France, jusqu’à ce que le capitalisme s’impose tardivement avec le Second Empire, dans le cadre de rapports sociaux précapitalistes l’appropriation économique est fondée sur l’inégalité, son instrument est la fiscalité et la classe dominante accède de façon privilégiée aux fonctions et charges politiques, soit une unité du politique et de l’économique. Du point de vue des rapports de travail, à la fin du Second Empire, 90% des ouvriers sont encore en contrat de louage, ne vendant pas leur force de travail mais un produit, négociant les frais d’usage des machines dans l’usine, le prix de la pièce et la tâche à accomplir. La police prémoderne ne repose pas sur le principe d’un métier et d’une permanence d’agents qui viendraient se concentrer sur le maintien de l’ordre et suivre les règles de l’État. La fonction de police est distribuée dans une variété de groupes armés parmi lesquels la Garde nationale, l’armée… et son domaine d’intervention est extensif : « contrôle des moeurs, enlèvement des encombrants, sûreté dans la rue, santé, épizooties, assistance aux pauvres, répression de la mendicité, approvisionnement, éclairage extérieur… (p. 105)[13].
La formation d’un capitalisme français est largement impulsé depuis l’État à partir de 1860 par la marchandisation de la force de travail et la formation d’un marché domestique unifié, et pour ce faire une réforme du secteur financier, la multiplication des réseaux de transport, l’encadrement de la prise de risque capitalistique par une loi sur les sociétés anonymes, le démantèlement des réglementations locales pour assurer la subordination des ouvriers au patronat et son autorité sur la fixation du salaire L’allocation des ressources se détermine alors sur l’échange marchand. Avec la marchandisation de la force de travail se produisent des ruptures du lien de subsistance des ouvriers avec le monde agricole — opération de séparation dont on peut avancer qu’elle est fondatrice du capitalisme — et, avec l’intensification des migrations, les possibilités de coordination des mêmes ouvriers. Les anciennes fonctions de police sont insuffisantes à répondre à de nouveaux illégalismes. Entre 1872 et 1911 le nombre de grèves augmente de 1667%, celui de gréviste de 925% et celui de journées perdues de 2858%[14]. La police nouvelle est donc « attendue » (p. 125)sur ce terrain de protection des « piliers du nouvel ordre capitaliste » (p. 125). Sa construction comme corps différencié s’appuie sur des dispositifs de fidélisation des agents, sur l’intensification des processus de formation et de la pratique des examens— décrits dans le livre —, tout cela conduisant tout à la fois à la différenciation d’avec la population et à une homogénéisation interne. À partir des années 1920, les rapports sociaux de race formés dans la colonisation se déploient avec brutalité dans la police[15].
2.2. Le tressage d’un lien historique entre développement du capitalisme et naissance de la police moderne déjà érode la thèse de la possibilité d’une réforme de la seconde. Thèse qui repose sur l’hypothèse d’une dénaturation contemporaine de l’appareil policier — soumis à des intérêts politiques particuliers et déformé par l’extrême-droite — et celle d’un État, et donc de la police – comme instance neutre et lieu d’arbitrage.
Mobilisant les débats théoriques des années 70 sur la nature de l’État capitaliste, s’appuyant entre autres sur les thèses de Nicos Poulantzas[16], Paul Rocher pose l’État comme résultante et cristallisation de rapports sociaux spécifiques, ce qui autorise à le comprendre comme tout à la fois bourgeois et n’étant pas directement aux mains de la bourgeoisie. Ces spécificités reposent sur la médiation par le marché de l’enrichissement de la classe dominante et le primat de la concurrence qui, dans un double effet, réduit le pouvoir de négociation des travailleurs mais aussi conduit à la renonciation au recrutement de la main d’œuvre par la violence. L’État prend alors une forme particulière avec la monopolisation de l’appareil de la contrainte physique et la prise en charge des conditions de perpétuation du marché et des activités situées à l’extérieur du processus de valorisation immédiat du capital. Parmi lesquelles la vie culturelle !
Si la forme État résulte de rapports de force, ce qui en fait donc un lieu de contradictions, pour autant sa partialité « se traduit par une action résolue en faveur de la perpétuation de l’ordre établi » (p. 144), du maintien d’un travail en faveur de la classe dominante. Ainsi l’abandon par celle-ci d’une stratégie d’alliance avec une fraction de la classe populaire conduit à la forme néolibérale de l’État et à sa radicalisation La police en est une branche spécifique, le rouage ultime en cas de contestation, et un corps de professionnels étanche à la société, tant par la composition sociologique de ses recrutements, la conception répressive du métier ou le goût pour les moyens autoritaires avant même d’y rentrer, la conviction que le respect de la règle ne permet pas l’efficacité, l’essentialisation raciale hérités de la période coloniale[17] , une autonomie relative construite par le champ syndical[18] mais aussi dans les opérations sur la voie publique, la mise en œuvre d’une vision particulière de l’ordre… Jusqu’à un « repli clanique » (p. 155), le fait de se considérer assiégée par le reste de la société[19] et la revendication d’une extraterritorialité juridique.
3. Après avoir installée la police dans les coordonnées structurelles du capitalisme et posée son impossible réformabilité, Paul Rocher ouvre les possibles en avançant deux expériences historiques tout à la fois de contournement de la police et de régulation populaire d’un ordre collectif égalitaire, l’une en Afrique du Sud, l’autre en Irlande du Nord[20]. La première dans le cadre d’un État d’apartheid s’inaugure dans les années 40 et 50 avec les gardes civiques de l’ANC (African National Congress), puis dans les années 70 avec la mise en place de Tribunaux du peuple entendant résoudre les conflits et réconcilier les personnes impliquées, puis des Comités de rue. À Derry et Belfast-Ouest ce sont en 1969 des Comités d’autodéfense, puis des Conseils communautaires, des Tribunaux du peuple encore.
Toutes deux partagent des caractéristiques et des problèmes posés : une inscription organique dans la collectivité et l’absence de professionnels, une rotation des fonctions et tendanciellement un équilibre de genre, la pratique d’une justice réparatrice, la résistance à des tentatives d’appropriation étatique. Ce qui sans les élever en modèles absolus permet d’avancer vers ce que seraient des piliers ,et leurs outils, d’une mise en ordre populaire : rotation et responsabilité devant la société civile.
Le commun de ces deux expériences est de se situer à la fois dans une perspective de contestation de la police et un processus de transformation sociale. Ce qui d’une certaine manière inaugure le final de ce livre dans le débat autour de deux thèses : l’abolition de la police comme acte de transformation sociale, la transformation sociale comme abolition de la police dans la visée de la production d’une société apaisée. « Le dénouement de cette contradiction réside dans l’inscription du dépassement explicite de l’institution policière dans le cadre d’une dynamique de transformation sociale plus globale » écrit Paul Rocher (p. 221) dans la mesure où la police est indissociable de l’État capitaliste et qu’une nouvelle conception de l’ordre public doit voir le jour dans un état postcapitaliste, sans police telle qu’elle a été entendue dans ce livre.
[1] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b2082_rapport-information#.
[2] Ce sont des enquêtes auprès de personnes, échantillonées, sur les infractions dont ils ont été victimes. En 1996 l’INSEE les inclut pour la première fois dans l’enquête permanente sur les conditions de vie des ménages.
[3] Isabelle Stengers, Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient, Paris, La Découverte, 2009, p. 66.
[4] Ostrom est par ailleurs l’une des actrices de la résurgence de la notion de commun. Pierre Dardot et Christian Laval produisent une critique de la conception qu’elle en a dans Commun. Essai sur la Révolution au XXIe siècle, Paris, La Découverte, 2014. Particulièrement dans le chapitre 4 s’agissant des rapports de pouvoir ou d’une vision naturaliste du commun.
[5] Sur ce dernier point et à propos d’un cas précis, on pourra se reporter au travail de Didier Fassin, Mort d’un voyageur. Une contre-enquête, Paris, Éditions du Seuil, 2020. Dans les points de vue exprimées dans el cours de l’enquête par les membres de la gendarmerie, les termes discriminatoires s’agissant des gitans sont nombreux, comme : « Pas commodes, ces gens-là », « avec les gitans, on ne sait jamais ». Sans compter le choix du GIGN dans cette opération de police. Au-delà de l’opération elle-même la formation première du jugement du procureur et des inspecteurs généraux de la gendarmerie nationale met en œuvre la réduction des divergences entre les versions des militaires, exlusion des témoignages contradictoires de la famille, sélection des informations.
[6] Fabien Jobard, René Lévy, « Les contrôles d’identité à Paris », Questions pénales, 2010, 1, p.1-4, halshs-00550222. Les sites d’observation sont au nombre de quatre : Gare du Nord Station, Gare du Nord RER, Gare du Nord Thalys, Châtelet RER, Châtelet Innocents.
[7] Il s’appuie là sur un travail ethnographique de Mathilde Darley et Jérémie Gauthier, « Bon flic, bon genre. L’ordre des sexes dans la police » in J. Gauthier et F. Jobard (dir.), Police : questions sensibles, Paris, PUF, 2018, p. 77-92, https://shs.hal.science/halshs-02407683v1. On pourrait aussi renvoyer à l’ouvrage, issu d’une enquête ethnographique de deux ans auprès d’une BAC dans les quartiers populaires de la banlieue parisienne, de Didier Fassin, La force de l’ordre. Une anthropologie de la police des quartiers (Seuil, 2011) et la question du contrôle d’identité comme assujettissement.
[8] Geneviève Pruvost, Profession : policier. Sexe : féminin. Les rapports de genre dans la police, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 2007. Ou de la même chercheuse, « Enquêter sur les policiers », Terrain, 48, 2007, p. 131-148. Aussi Valérie Boussard, Marc Loriol et Sandrine Caroly, « Une féminisation sur fond de segmentation professionnelle genrée : le cas des policières en commissariat », Sociologies pratiques, 1,2007, p. 75-88. Nous ne rentrerons pas ici dans le débat théorique autour des concepts de virilité et de masculinité.
[9] Ou encore le site Allô Place Beauvau : https://www.mediapart.fr/studio/panoramique/allo-place-beauvau-cest-pour-un-bilan.
[10] Ce moment est disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=Xil63x90Xp4. La même rhétorique est à l’œuvre du côté de l’extrême droite par exemple sur le site Breiz-info.
[11] À ce propos Frédéric Lordon parle de régime de pulsionnalité.
[12] Alain Brossat, Autochtone imaginaire, étranger imaginé. Retours sur la xénophobie ambiante, Bruxelles, Éditions du Souffle, 2012, p. 75.
[13] Voir Joël Cornette, Emmanuel Blanchard, Vincent Denis et al., Histoire des polices en France. Des guerres de religion à nos jours, Paris, Belin, 2020. Et Michel Foucault, « Omnes et singulatim : Vers une critique de la raison politique », Le Débat, 4, 1986, p. 5-36. https://doi.org/10.3917/deba.041.0005.
[14] Vivement !
[15] Sur l’aspect spécifique des rapports entres les méthodes de la guerre coloniale et le maintien de l’ordre contemporain, on se repostera à Matthieu Rigouste, La domination policière. Une violence industrielle, Paris, La Fabrique éditions, 2016.
[16] Nicos Poulantzas, L’État, le pouvoir, le socialisme, Paris, Les Prairies Ordinaires, 2013. Le livre initialement publié en 1978 se dégage d’une vision instrumentaliste de l’État aux mains d’une classe dominante et d’un économisme qui n’y verrait que l’expression des intérêts économiques dominants. Comme lui Pierre Bourdieu fait de l’Etat un espace de luttes. On se reportera aussi à Jean-Numa Ducange et Razmig Keucheyan (dir.), La fin de l’État démocratique. Nicos Poulantzas, un marxisme pour le XXIe siècle, Paris, PUF, 2016.
[17] Matthieu Rigouste, La domination policière. Une violence industrielle, op. cit.
[18] La participation dernière de Bruno Retailleau ce 4 février 2025 au pique-nique d’Alliance devant l’Assemblée nationale vient manifester la proximité de ce champ avec le ministère de l’Intérieur. Ce qui n’est pas nouveau.
[19] De son côté, Fréderic Lordon parle de haine de la population. https://blog.mondediplo.net/quelle-violence-legitime.
[20] D’autres auraient pu être convoquées : Whitehorse, Rojava, South Side de Chicago…
Paul Rocher, Que fait la police ? et comment s’en passer, Paris, La Fabrique éditions, 2022.
