Texte remis à Philippe Bélaval, directeur général des patrimoines, lors de la séance du CTP DGPAT du 31 mars 2011
Lezoux est l’un des plus grands centres de production céramique de tout l’Empire romain avec Arezzo en Italie, Millau en Aveyron, et Rheinzabern en Allemagne. Ces quatre centres ont notamment fabriqué une poterie très particulière : la sigillée. Des centaines de millions de vases sont ainsi sortis des ateliers de Lezoux et ont été exportés jusqu’aux confins de l’Empire et même au-delà.
Le site est découvert peu de temps avant la Révolution française. L’un des premiers commentateurs regrette déjà en cette fin de 18ème siècle que cette découverte se situe en un lieu peu propice à sa mise en valeur. Au 19ème siècle, les cabinets d’antiquaires de toute l’Europe s’approvisionnent à Lezoux. Joseph Déchelette tire partie des découvertes réalisées et en présente la synthèse dans son ouvrage, « Les vases céramiques ornés de la Gaule romaine, en 1904 ». Si, à la suite de cela, des publications se multiplient partout en Europe, il faut encore attendre les années 60 pour que soient réalisées de véritables fouilles archéologiques à Lezoux. Il s’agit alors essentiellement de sauvetages limités, menés avec des groupes d’étudiants.
Au début des années 90, le ministère de la Culture, conscient de l’intérêt national et international du site, lance un appel d’offres international sur Lezoux. A cette occasion, toute la commune est systématiquement prospectée, tous les sites reconnus, et un million d’objets sont inventoriés. Le ministère utilise ces données pour assurer le suivi de tous les dossiers d’urbanisme jusqu’à la fin du siècle dernier.
La loi sur l’archéologie préventive, mise en place entre 2000 et 2003 semble oublier Lezoux, où peu d’opérations sont réalisées durant la première décennie du nouveau millénaire, alors que les aménagements d’urbanisme sur la commune se multiplient. Dans le même temps, un musée départemental de la céramique y est créé, mais il n’a été doté ni de réserves suffisantes, ni de structures de recherche sur le site.
Quelques diagnostics ont bien été prescrits, révélant de nombreux vestiges archéologiques sans qu’aucun ne donne lieu à une fouille. En 2005, le chantier de la nouvelle gendarmerie confirme le potentiel exceptionnel d’un secteur connu. En 2008, un atelier de potier gallo-romain est découvert sur le site du parc d’activités qui sera détruit en 2009. En mai 2010 encore, un autre diagnostic révèle un nouvel atelier. Le permis de construire est délivré en octobre. De nombreux autres aménagements sur la commune, en l’absence de prescriptions, ont rogné les réserves archéologiques, comme par exemple les différentes extensions de la maison de retraite publique qui représente environ 1 hectare du site.
Si le site d’atelier gallo-romain de Lezoux couvrait environ 130 hectares disséminés en une dizaine de secteurs, une grande partie en est maintenant détruite ; généralement sans qu’une recherche archéologique d’envergure ait pu y être menée. Il est peut-être temps de prendre toute la mesure de ce site exceptionnel au niveau européen avant qu’il ne disparaisse définitivement.
C’est pourquoi, Monsieur le directeur général, des membres de la communauté archéologique et les habitants de Lezoux, conscients de la préservation et de la mise en valeur de leur patrimoine, vous demandent une entrevue afin de discuter de la situation si particulièrement désastreuse de ce site exceptionnel.