FLAGRANT DÉLIT DE DESTRUCTION DE PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE À NOTRE DAME DE PARIS

CGT – FSU

Le chantier de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris est éminemment politique. Dès le lendemain de l’incendie, le délai à 5 ans pour la réouverture est proclamé à grand renfort de presse. Pour favoriser la marche forcée prise autour du monument, un établissement public à statut dérogatoire a été créé et placé sous la responsabilité directe de l’Elysée. La première dérogation étant celle qui émancipe l’établissement public du code du patrimoine !

Rien n’a jamais été simple sur ce chantier pour les archéologues du SRA et de l’Inrap qui, depuis le début, bataillent pour que, coûte que coûte, l’archéologie et les missions de service public en matière de conservation par l’étude du patrimoine soient prise en compte malgré tout. Dans le cadre de la réhabilitation, chaque ouverture de tranchée, chaque création d’un réseau technique a donné lieu à d’âpres négociations où la Drac, et plus largement le ministère de la Culture, a été plus souvent invité à « fermer sa gueule »[i] qu’à porter dignement la nécessité d’étudier les vestiges complètement inédits mis en évidence à l’occasion des travaux. Faut-il le rappeler, on est au cœur du Lutèce antique et du Paris médiéval sur l’Île de la Cité. Malgré son importance historique, le site de Notre-Dame de Paris reste très mal connu. Par exemple, l’essentiel des vestiges du groupe épiscopal paléochrétien sont probablement contenus dans les couches du quartier de l’Île de la Cité. On rappellera accessoirement que les années passées, nos collègues ont exhumé entre autre le jubé polychrome du XIIIe siècle, avec des sculptures inédites d’une grande valeur patrimoniale et scientifique.

Nous avons été révoltés en apprenant le 8 janvier 2024 que l’Etablissement public créé pour gérer le chantier de restauration, avait profité des vacances de Noël, de l’absence des équipes d’archéologues et de l’entreprise de BTP mandatée, pour passer en force ! Pour ne pas perdre quelques jours, une tranchée extérieure a été ouverte côté Seine sur plusieurs mètres de profondeur comme prévu, traversant évidemment tous les niveaux médiévaux, mais sans la présence des archéologues. Pour ce faire, il aura fallu commandé une prestation nouvelle avec une entreprise de BTP annexe et s’affranchir d’une réponse claire de la DRAC. En effet, celle-ci, coincée entre le marteau et l’enclume et n’ayant aucun moyen de s’opposer à l’EP tout puissant n’a pas eu d’autre choix que de livrer une partie du site à la destruction pure et simple des vestiges, dans la zone de l’Hôtel-Dieu du XIIIe siècle. Les collègues arrivent le jour de la rentrée, le site est défoncé et rebouché. Circulez ! Y’a plus rien à voir. Une bibliothèque d’archives du sol rarissime vient de partir en fumée !

C’est d’autant plus regrettable que lors de la création de l’EP Notre Dame, le législateur a décidé de mettre en place un dispositif qui, attribuant directement les fouilles à l’Inrap sans passer par la mécanique d’appels d’offres du contexte concurrentiel, permet de raccourcir les délais d’intervention au minimum (article 11 de la loi n°2019-803 du 29 juillet 2019).

Les visites en grande pompe du couple Macron en décembre 2023 n’ont visiblement pas servi à sensibiliser l’exécutif sur le caractère impératif d’une protection du Patrimoine. La politique du rouleau compresseur, c’est une stratégie pleinement assumée dont on a malheureusement de trop nombreux exemples. Doit-on accepter que le patrimoine archéologique soit détruit sans aucune forme de procès ? Doit-on accepter que l’Etat et ses établissements s’affranchissent de toutes les règles en matière de protection du patrimoine pour répondre aux enjeux politiciens ? La destruction, elle, est irréversible ! Et quel exemple à l’échelle du territoire pour l’ensemble des acteurs de l’aménagement du territoire ? Au titre de l’article 40 du code pénal, la destruction, la dégradation ou la détérioration est punie de 100 000 € d’amende et jusqu’à sept ans d’emprisonnement. Le préfet, la ministre de la Culture, l’Archevêque saisiront-ils la justice ?

Nous demandons que l’arrivée d’une nouvelle ministre coïncide avec des positions fortes du Ministère de la Culture qui trouverait les moyens de défendre le patrimoine, les missions de service public et les métiers de son ministère !

On se souhaite à tous une année combative où les agents du Ministère et leurs missions seraient portés et défendus avec ardeur par une parole solide et des actes courageux ! En premier lieu, les archéologues, à Paris comme ailleurs, doivent pouvoir faire leur travail et pour cela il faut les respecter et leur donner des moyens à la hauteur des enjeux du moment. Les belles phrases ne suffisent pas !


[i] Sic – Général Georgelin, général d’armée, président de l’EP Notre-Dame de 2019 à 2023

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