Courrier aux députés : Attaque contre l’archéologie préventive dans le projet de loi de simplification de la vie économique

Monsieur le député,

vous allez poursuivre l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique qui devrait être soumis au vote solennel le 6 mai prochain, après une dernière discussion en séance publique le 30 avril prochain.

Alors que les associations environnementales et et de nombreux élus dénoncent dans ce projet de loi de nombreux reculs en matière d’écologie et de démocratie, nous nous permettons de vous alerter qu’une attaque inédite contre l’archéologie préventive a été introduite dans le texte de la commission spéciale annexe au rapport projet de loi de simplification de la vie économique.

Après son adoption par le Sénat en première lecture, après engagement de la procédure accélérée, l’Assemblée nationale doit se prononcer sur le texte issu de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi de simplification de la vie économique.

Lors de l’examen en commission a été inséré un article 15bis C, qui introduit un nouvel article (article L. 300-6-2-1) dans le code de l’urbanisme.

Cet article permettrait la délivrance d’une autorisation environnementale pour les projets qualifiés d’intérêt national majeur sans évaluation environnementale préalable. L’autorité administrative aurait la responsabilité d’apprécier si le dispositif mis en œuvre par le porteur du projet permet de décrire et d’apprécier de manière appropriée, les incidences notables directes et indirectes du projet sur, entre autres intérêts protégés, le patrimoine culturel. Par dérogation à l’article L. 522‑1 du code du patrimoine, les actions et les opérations d’aménagement et de construction, induites par la réalisation du projet d’intérêt national majeur, ne seraient pas soumises aux obligations d’archéologie préventive.

En première lecture au Sénat, des sénateurs avaient tenté d’introduire une telle dérogation par un amendement (ajoutant un alinéa à l’article L. 522-2 du code du patrimoine) dont l’objectif affiché était de permettre aux projets d’intérêts national majeurs, et aux projets d’intérêt général de déroger aux fouilles archéologiques préventives dans des modalités précisées par décret en Conseil d’État. Lors de l’examen du texte en séance publique, cet amendement a fait l’objet d’un avis défavorable du Gouvernement et a été retiré.

Ces attaques contre le code du patrimoine, sous couvert de simplification, sont contraires aux engagements souscrits par la France, en 1995, lors de la ratification de la Convention européenne (révisée) pour la protection du patrimoine archéologique, notamment l’article 5 de cette convention. Ces engagements sont traduits dans le code du patrimoine, qui indique que l’archéologie préventive doit concilier les «exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social » (article L. 522-1 du code du patrimoine).

Ces amendements sont en contradiction avec les articles L. 101-1 et L. 101-2 du code de l’urbanisme, qui posent comme axiome la recherche d’un équilibre avec, notamment, la protection et la conservation du patrimoine culturel, pour affermir le principe selon lequel « le territoire français est le patrimoine commun de la nation » et que « les collectivités publiques en sont les gestionnaires et les garantes dans le cadre de leurs compétences ».

Grâce à 30 ans de lutte des archéologues, grâce à aux conventions internationales, la France s’est doté depuis 2001 d’un dispositif d’archéologie préventive régi par le code du Patrimoine. Depuis, ce sont 2 500 à 3 000 opérations d’archéologie préventive qui sont réalisées chaque année en France par près de 4 000 archéologues de l’Inrap, des services territoriaux et des sociétés agréées, prescrites et contrôlées par les archéologues du ministère de la Culture.

L’apport scientifique de ces recherches est incontestable. Au fil du temps, le professionnalisme des équipes et l’intérêt croissant des citoyens pour leur patrimoine et leur histoire ont fait de l’archéologie préventive une nécessité acceptable pour presque tous les aménageurs.

Nous dénonçons donc cette nouvelle offensive menée par certains parlementaires qui entraînera une crise sociale chez les archéologues, qui entraînera irrémédiablement des arrêts de chantier très coûteux en raison d’irrémédiables découvertes archéologiques « fortuites » et qui risque de détruire irrémédiablement des éléments de notre histoire et de nos paysages.

Nous sollicitons donc votre soutien pour que soit supprimé l’article 15bis C, alinéa 18 du projet de loi de simplification de la vie économique.

En restant à votre disposition pour répondre à d’éventuelles questions, nous vous prions d’agréé, Monsieur le député, l’expression de notre très haute considération.

Corinne Charamond et Benoît Ode, 

co-secrétaires généraux du Syndicat national des affaires culturelles, FSU Culture.

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