Le 25 novembre, journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, a une signification encore plus particulière cette année. Le procès de Mazan, comme d’autres récemment, secoue notre société et révèle à quel point le pays doit se doter d’un plan global interministériel pour prévenir et traiter rigoureusement les violences sexistes et sexuelles. Dans ce cadre, les services publics – en particulier ceux de la santé, la justice, la police, l’Education – doivent être renforcés et bénéficier d’un budget à la hauteur des enjeux que représente l’éradication de ces violences.
Au travail comme ailleurs, les violences sont massives, graves et touchent les femmes de toutes professions, du secteur privé comme public et de toutes catégories socioprofessionnelles.
Harcèlement moral à caractère sexiste, agissement sexiste, harcèlement sexuel, agression sexuelle et viol, ne sont pas que des mots. 9% des viols ou tentatives de viols ont lieu au travail, 30% des salariées ont déjà été harcelées ou agressées sexuellement sur leur lieu de travail et 70 % de ces victimes de violences au travail déclarent n’en avoir jamais parlé à leur employeur. Pour celles qui parlent, c’est souvent la double peine : 40 % estiment que la situation s’est réglée en leur défaveur par une mobilité forcée voire un licenciement.
De trop nombreux employeurs, qu’ils soient publics ou privés ne respectent pas leurs obligations en matière de prévention, de protection des victimes et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail alors même que la santé et la sécurité des travailleurs et travailleuses est une obligation de l’employeur.
Nous exigeons des actes, des moyens et une politique ambitieuse de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans la vie, comme au travail.
Les violences sexistes et sexuelles au travail : un problème majeur de santé publique !
Ça suffit, il faut changer de paradigme
Or dans le secteur privé comme dans la Fonction publique, cette obligation est insuffisamment respectée. En témoignent l’absence de plans de prévention et le fait que certaines administrations publiques ne répondent pas à leur obligation sur la mise en place de dispositifs de signalement qui restent peu opérationnels car pas suffisamment financés en moyens humain et budgétaire et méconnus des agentes de la Fonction publique.
Le 12 avril 2023, la France a ratifié la 190ème Convention de l’Organisation internationale du travail (OIT) contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail.
Une victoire en demi-teinte car le gouvernement français ne l’accompagne pas d’évolutions du droit français. Or, la législation française n’est en l’état pas pleinement conforme à la Convention 190 et à la recommandation 206 qui l’accompagne. Nous demandons donc au gouvernement de franchir une nouvelle étape en matière de prévention, d’obligations et de sanctions pour lutter contre ces violences et renforcer la protection des victimes.
Il est temps que la France s’aligne sur les meilleures législations européennes, qu’elle aille au bout de ses engagements et que des concertations soient rapidement ouvertes pour intégrer de nouveaux dispositifs dans la loi :
- Faire un bilan rigoureux des mesures de 2018 et identifier les nouvelles dispositions à adopter.
- Construire un baromètre annuel pour évaluer le ressenti des salarié∙e∙s et des agent∙e∙s sur les violences sexistes et sexuelles au travail – sous l’égide du Haut Conseil à l’Égalité.
- La mise en place de sanctions pour toutes les entreprises et établissements qui n’ont pas de plan de prévention des violences sexistes et sexuelles et de dispositif de signalement négocié
- Des droits pour protéger les victimes de violences conjugales : abrogation des jours de carence en cas d’arrêt maladie, interdiction de licenciement, droit à absences rémunérées pour faire ses démarches, droit à la mobilité géographique et fonctionnelle
- L’obligation de formation des personnels des ressources humaines, personnels encadrants, élu·es dans les instances représentatives du personnel (comité sociaux…)
- Des moyens pour que les référent∙es harcèlement/violence et les élues VDHA (violence, discrimination, harcèlement, agissement sexiste) puissent jouer leur rôle syndical : prérogatives clairement définies, temps de délégation, formations….
- L’obligation annuelle d’une campagne de sensibilisation sur les violences sexistes et sexuelles auprès de l’ensemble des salarié∙es sur leur temps et lieu de travail.
- L’obligation de mise en place de dispositifs de prévention spécifiques pour les travailleuses et travailleurs les plus vulnérables et notamment les jeunes, les précaires, les personnes LGBTI+, les travailleuses de nuit ou en milieu non mixte…
- Des droits pour que les victimes de violences sexistes et sexuelles travaillant dans des entreprises sans représentant∙e du personnel puissent être défendues et accompagnées par un syndicat face à leur employeur.
- Un accès aux soins garanti avec le remboursement à 100 % des consultations en psycho-traumatologie pour les victimes.
Les violences sexistes et sexuelles au travail ne sont pas une fatalité et transformer le travail, c’est transformer la société tout entière !
A lire : Les violences sexistes et sexuelles sous relation d’autorité ou de pouvoir : Agir contre ce fléau trop longtemps ignoré (Rapport remis au gouvernement le 18 novembre 2024)