SGAC-CGT – SNAC-FSU
FS ministériel du 12 décembre 2023
Dans 15 mois la bibliothèque fermera au public et entamera trois mois de déménagement pour ouvrir à l’été 2025 dans le Bâtiment Lumière. Les inquiétudes sont nombreuses étant donné l’absence de réponses aux questions soulevées par cette étape importante. L’absence de projet écrit, l’absence de concertation avec les agents, l’absence de réponses à des questions clefs, la très faible communication de la Direction, l’impréparation sur de nombreux aspects laissent craindre l’explosion de RPS avec un accroissement à mesure que les semaines passent et que l’échéance approche. Cela se déroule dans un contexte de fragilité des équipes avec un changement d’organigramme intervenu récemment, un turn over important notamment au niveau de l’encadrement, des départs de membres du CODIR puis deux en arrêt maladie depuis plusieurs semaines, ainsi que des RPS déjà signalés et tout cela sans médecin du travail.
Précision : les éléments qui vont être mentionnés ici sont loin d’être exhaustifs.
Depuis de nombreuses semaines les bibliothécaires chargé.es de collections sont soumis à un désherbage massif imposé, une “désélection” (terme choisi par la direction) de 20% des collections. La cadence repose sur une politique des chiffres puisqu’il est demandé que 1300 ouvrages soient sortis des collections chaque semaine sans directives intellectuelles avec une disparité de la charge de travail selon les services et selon les bibliothécaires dans ces services. Une mise en concurrence des services entre eux et des agents entre eux s’instaure, alors que le travail collectif devrait l’emporter dans un contexte de mutation de l’établissement. L’absence de cadrage met les équipes dans un flou dévastateur faisant reposer les choix intellectuels sur chaque chargé.e de collection morcelant ainsi la politique documentaire de l’établissement. Les bibliothécaires sont renvoyés à leur seule responsabilité individuelle. Les ouvrages estimés à au moins 80 000 sont récupérés par Recyclivre qui en revend une partie et en destine 60% au pilon. A cela vient s’ajouter le travail au quotidien désormais tourné vers la “désélection” aux dépens de la valorisation, de la médiation et même des acquisitions puisqu’il est constaté une baisse de budget d’année en année. Cette politique du chiffre impose de sabrer l’équilibre, la cohérence et la continuité des collections entamée depuis des décennies au détriment de la mission essentielle de la Bpi : l’accès à la connaissance pour toutes et tous via la richesse des collections. Le travail actuellement demandé aux équipes va à l’encontre des missions des bibliothécaires impliquant une perte de sens délétère. Il ne s’agit plus de constituer des collections mais de les démanteler et tout cela sans aucune feuille de route avec un rythme intense, impossible à tenir, mettant les agents sous pression. Une solution de stockage ne résoudrait pas tout mais permettrait de travailler plus sereinement et de garder des documents pour la réouverture pourtant cette idée a été rejetée par la direction.
L’organisation du travail et du service public au Lumière ne sont absolument pas connus actuellement faisant craindre des conséquences à la fois sur les personnels, l’accueil et les services rendus au public. Nous craignons un détricotage et une perte de qualité puisque nous n’avons aucune certitude sur le fait de pouvoir pérenniser les contrats (“vacataires” et
contractuel.les), de garder les mêmes effectifs voire la possibilité de recruter davantage si besoin. 75% du public sera accueilli mais qui sera le public sacrifié ? Nous nous interrogeons notamment sur l’absence de politique d’accompagnement pour les publics les plus fragilisés, dits du champ social, qui se verront déjà amputés d’un lieu et de repères. Nous n’avons aucune idée de la façon dont seront implantés les bureaux et n’avons pas plus d’informations sur l’organisation du service public pour les personnels.
En ce qui concerne l’action culturelle et l’événementiel : du flou encore. Actuellement aucune solution n’émerge, laissant les équipes dans un inconfort total alors que le calendrier de programmation se fait longtemps à l’avance. Le repli, dans les ateliers du Lumière, des actions habituellement programmées dans les salles du Centre laisse présager non seulement un changement radical du profil des actions mais aussi une saturation et une mise en concurrence des services au détriment du public. Certains événements phares seront éclatés sur plusieurs sites ce qui, au-delà des équipes en charge, risque d’impacter fortement les services support tels que la régie ou l’informatique. La logistique nécessitera peut-être une manutention inhabituelle et des déplacements importants de matériel ce qui pourrait provoquer des troubles musculo-squelettiques notamment. Il n’y a également aucunes données concernant le devenir du parc du matériel Bpi estimé à un volume d’environ 100 m3 ni du matériel d’exposition.
Nous attirons aussi votre attention sur la situation des personnels travaillant actuellement au 25 rue du Renard et qui resteront dans ces bureaux pendant la durée des travaux. Travailler sans la bibliothèque à proximité, dans un environnement et un quartier dénaturé avec un chantier d’envergure risque d’impacter fortement les personnels (nuisances sonores, va-et-viens de camions, etc). Plusieurs aspects nous inquiètent et nous questionnent, notamment toutes les conséquences liées à l’articulation du travail entre les deux sites. L’éclatement du collectif risque d’avoir des conséquences à multiples rebonds. Travailler sur deux lieux est impactant, pour des personnes déjà fragilisées c’est une majoration des risques. Il sera proposé aux personnels du 25 sous des modalités encore inconnues de travailler au Lumière sur des flexi-bureaux quand il faudra effectuer des plages de service public ou animer des ateliers notamment. Les questions logistiques sont nombreuses. Les personnes seront isolées de leur service habituel une ou plusieurs fois par semaine, dégradant sérieusement les conditions de travail et l’esprit d’équipe. Quid du travail sur les collections ? Le catalogage et les valorisations nécessitent l’accès régulier aux ouvrages. Quid du circuit du document ? Tout pose question et reste flou surtout lorsque la direction dit vouloir centraliser l’arrivée des acquisitions au Lumière. Dans des services situés au 25 comme celui de l’autoformation qui nécessite le stockage de matériel en bibliothèque et un catalogage très particulier des méthodes de langue, les inquiétudes sont nombreuses. Pour le service support informatique, qui fonctionne déjà à flux tendu avec des astreintes 7 jours sur 7, travailler sur deux sites nécessitera un dédoublement des équipes et donc un doublement des jours d’astreintes alors que les heures effectuées actuellement ne sont déjà pas comptabilisées (RDH refusées et heures en sus écrêtées). Et quid des réunions hebdomadaires de service public, de tout ce qui fait cohésion et permet le bon fonctionnement de la bibliothèque ?
Les violences sexistes et sexuelles (VSS) sont à la Bpi particulièrement préoccupantes. En novembre 2022, un mardi de l’info de 3 heures en plénière avait été proposé. Ce dispositif très insuffisant était soi-disant destiné à l’ensemble du personnel… sauf aux personnes les
plus concernées c’est-à-dire aux vacataires. Il est urgent de mettre en place un plan d’envergure sur les VSS, collectif et participatif, en veillant à ce que tous les personnels et particulièrement les vacataires soient parties prenantes car ce sont les personnels les plus exposés : plan de formation au long cours, système de veille et mises à jours régulières, protocoles et formations pour recueillir la parole, signalements, enquêtes systématiques, information et sensibilisation du public… Le manque d’écoute et d’encadrement actuels favorisent à la fois l’insécurité, les situations d’isolement et de vulnérabilité, avec des plages du soir difficiles à gérer puisque la bibliothèque ferme ses portes à 22h.
Toutes ces questions et celles que nous n’avons pu lister risquent d’être massives dès la rentrée de janvier faisant monter une tension déjà palpable au sein des personnels. Nous craignons un goulot d’étranglement et l’impossibilité pour la direction de répondre à toutes les demandes dont beaucoup n’ont pas encore pu être évoquées. Nous alertons le Ministère sur les risques psycho-sociaux et médicaux encourus par les agents. Il est urgent d’agir pour protéger les personnels, en entendant les agents, leurs craintes et leurs besoins, quel que soit leur statut, et en en tenant compte, pour permettre à la Bpi de poursuivre ses missions auprès de tous ses publics.