Contribution rédigée à l’occasion de la mission menée par Jacqueline Eidelman en 2016 et 2017.
A l’invitation de la mission Musées du XXIe siècle, des militants du SNAC-FSU ont participé es qualité à plusieurs des réunions des groupes thématiques mis en place par Jacqueline Eidelman. Nous saluons la liberté de parole proposée au sein de ces groupes et les possibilités d’échanges et de confrontations qui en sont résultés. Répondant à la proposition de contribution adressée aux organisations syndicales, nous proposons ci-dessous un texte de positionnement en suivant les quatre thématiques de la mission que nous choisissons de grouper selon deux axes:
– un premier axe qui se situe du point de vue du public et qui inscrit le musée dans la cité (groupe de travail n°1 « Le musée éthique et citoyen » et groupe de travail n°3 « le musée inclusif et collaboratif ».
– un deuxième axe qui se situe du point de vue des personnels et qui envisage le musée du point de vue de sa structure organisationnelle (groupe de travail n°2 « Le musée protéiforme : in situ, hors les murs, virtuel », groupe de travail n°4 « Le musée comme écosystème professionnel et économique créatif »).
Premier axe, le public, la cité
Des musées ouverts sur la pluralité des mondes et une accessibilité réelle au plus grand nombre (Groupe de travail n°1 : Le musée éthique et citoyen).
Les musées doivent être ouverts sur la pluralité des mondes et pour cela, ils doivent être pluriels. Les muséum d’histoire naturelle, musées d’archéologie, musées d’histoire, musées des sciences et des techniques, écomusées et musées de société ouverts sur les territoires ruraux ou urbains doivent trouver leur place et leur public aux côtés des musées de Beaux-Arts et musées de civilisations. Cette pluralité, qui se retrouve aussi dans la médiation des collections, fait dialoguer les champs disciplinaires (sciences de l’homme, sciences exactes, approches artistiques) ainsi que les points de vue (discours savant mais aussi contributions des visiteurs/citoyens à l’élaboration des projets muséographiques), tout en plaçant les collections au centre des programmations culturelles. Ce recentrement du projet scientifique et culturel est nécessaire dans un contexte de marchandisation des expositions temporaires et de tentatives de remise en cause du statut inaliénable des collections publiques françaises. Il est également nécessaire dans un contexte d’émergence de programmations payantes, déconnectées des thématiques et des collections de musées.
La démocratisation culturelle doit passer par la gratuité d’accès aux collections permanentes nationales. La gratuité réelle cible aujourd’hui tous les jeunes jusqu’à 25 ans inclus -avec quelques difficultés pour les nationalités extra-européennes- et les enseignants à travers le « Pass éducation». Le SNAC-FSU défend l’idée d’étendre le capital culturel de tous les publics et pas seulement celui de qui se trouve encore dans le système éducatif ; la gratuité d’accès au patrimoine national, corollaire d’un retour à une mutualisation des recettes des établissements nationaux est pour nous un préalable à cet accès du plus grand nombre à la culture.
La société a changé, le regard sur les musées aussi. Les musées sont désormais perçus comme lieux d’une expérience globale de visite et lieux privilégiés d’accès aux savoirs et à la culture, aux côtés des bibliothèques publiques. Si nous ne voulons pas que leur fréquentation demeure une pratique culturelle élitiste, leurs collections permanentes doivent tendre à être accessibles à tous. Le corollaire de cette accessibilité devrait être une éducation artistique et culturelle mise en œuvre avec les méthodes de l’éducation populaire aussi bien qu’avec celles de l’éducation nationale et une diversité dans les modalités de médiation, sans quoi le périmètre réel des musées restera cantonné à une petite fraction de la population française. Cette éducation doit s’envisager avec le Ministère de la Jeunesse et des Sports, comme avec celui de l’Education nationale, l’Enseignement supérieur et la Recherche.
Le discours critique sur la construction des savoirs historiques et scientifiques, qui existe dans l’éducation nationale de second niveau (comment se construisent les savoirs, à partir de quelles sources, avec quelles méthodologies ?) et garantit la construction d’un esprit critique et d’un jugement civique doit trouver plus qu’un écho dans les médiations de musées, y compris dans les musées de Beaux-Arts (la question de l’histoire des attributions, la place de la sociologie de l’art et son articulation avec l’histoire…). Comment envisager l’articulation avec l’éducation nationale dans cette perspective et quels moyens pour parvenir à cette articulation? L’institution musée doit-elle privilégier des approches complémentaires de celle des professeurs? Ou bien au contraire, ne devrait-elle pas mieux répondre au projet pédagogique de l’école, du collègue, du lycée ? Favoriser l’émergence de modalités inédites de médiation des savoirs ne doit surtout pas se faire au détriment des formes existantes d’accès à ces savoirs et de préparation de visite de musées, notamment par et pour les scolaires.
Disposer d’informations fiables, qualifiées, sélectionnées et de conseils pour des projets pédagogiques portés par les établissements, professeurs ou professeurs détachés de l’éducation nationale particulièrement investis au long de l’année scolaire doit rester l’un des objectifs prioritaires des centres de documentation et des médiathèques de musées. Ces services publics doivent s’inscrire dans la durée et être dotés de moyens constants tout en s’adaptant aux moyens de diffusion actuelle (archivage et diffusion en format numérique). De ce point de vue, le bilan du soutien donné aux projets des professeurs détachés de l’éducation nationale n’a pas vraiment été fait.
Une démocratisation au point mort et des formes de médiation qui restent à inventer. (Groupe de travail n°3 : Le musée inclusif et collaboratif).
Nous ne partageons pas l’enthousiasme de la mission quant à la démocratisation en cours des pratiques culturelles des Français. Certes, les chiffres montrent une démultiplication de la fréquentation (entre 2000 et 2009, celle des musées nationaux français est passée de 17,8 millions de visites à 28,1 millions, soit une progression de 58 % selon le rapport que la Cour des comptes a consacré en mars 2011 aux musées nationaux) mais le public jeune n’en a pas bénéficié. La répartition par catégorie socio-professionnelle montre une stabilisation de la fréquentation des catégories les plus favorisées, une régression inquiétante des professions intermédiaires, des employés, des ouvriers et des agriculteurs et une marginalisation des provinciaux. La démocratisation n’est donc pas au rendez-vous, contrairement à l’expansion du tourisme de masse. Toutes les enquêtes soulignent cet échec de l’élargissement sociologique des publics des musées, à de rares exceptions près. Lesquelles? On a beaucoup parlé du musée du quai Branly dans les années qui ont suivi son ouverture. L’institution avait réussi à attirer des jeunes de banlieue parisienne, dans ses salles permanentes ou temporaires mais aussi dans son auditorium pour des conférences ou débats, ouverture confirmée lors de la mise en place de la gratuité des jeunes jusqu’à 25 ans en avril 2009.
La question soulevée par les chiffres de la décennie 2000-2010 est celle de la redondance de fréquentation de l’institution muséale par les mêmes catégories sociologiques et celle des conditions de l’élargissement sociologique des publics de proximité. Les offres culturelles actuelles, quelle qu’en soit la forme et la richesse, semble bien s’adresser au même public favorisé et déjà acquis à l’institution, public que l’on cherche à fidéliser avec des formes traditionnelles de pratiques (concerts, séances de cinéma, conférence-débats avec des personnalités référentes…). Or le problème est d’attirer des catégories sociales pour qui les pratiques culturelles ne prennent pas ces formes anciennes, institutionnalisées et bourgeoises, et pour qui la politique tarifaire est de toute façon un obstacle irrémédiable. L’expérience menée en 2008 dans quatorze musées et monuments, a démontré la capacité du facteur gratuité à déclencher l’arrivée de nouveaux visiteurs, à renouveler et élargir leur sociologie, notamment chez les plus jeunes et les plus proches. Dès lors, comment réintroduire cette question de la gratuité dans l’économie des musées?
Les formes nouvelles de médiation devraient faire l’objet d’une réflexion avec tous les acteurs concernés par la question de la didactique des savoirs (musées, éducation nationale, recherche…). L’exemple des muséum d’histoire naturelle et des musées des sciences et techniques est sans aucun doute éclairante sur ce point. Les pistes simples de la diffusion gratuite des savoirs à l’heure du numérique ne sont pas encore généralisées dans les musées de Beaux-Arts et de civilisations (le Louvre faisant figure d’exception avec son service Education et ses dossiers numériques en ligne) alors que ces modes de diffusion sont déjà en place depuis les années 1990 dans le monde des bibliothèques (BNF en tout premier lieu, avec ses dossiers thématiques ou dossiers d’expositions temporaires), celui des universités ou des établissements de recherche à tutelles multiples (les ressources documentaires de l’INRAP ou celles du musée du quai Branly, la gratuité des applications d’aide à la visite au musée des Arts et métiers et la consultation en ligne des fonds de la bibliothèque du CNAM, ou encore les récents MOOC -« Massive Open Online Course »- du Musée de l’Homme par exemple). Les musées doivent donc franchir le pas de ces nouvelles formes de diffusion pour toucher les publics qui ne franchissent pas le seuil des musées mais que certains domaines de savoirs intéressent.
Second axe, les métiers, la structure
Collections publiques, missions scientifiques et nouvelle organisation des musées. (Groupe de travail n°4 : Le musée comme écosystème professionnel et économique créatif).
Les conditions d’exercice des métiers de musées ont considérablement changées; la segmentation des tâches (évoquée par J. Eidelman) pose problème à beaucoup de conservateurs et autres responsables à profil scientifique. D’un métier de mise en œuvre d’une chaîne de compétences (de l’élaboration d’un savoir scientifique à sa restitution auprès des publics sous forme de publications, expositions, enseignements…) et de collaboration avec des experts extérieurs, nous sommes passés en une génération à des métiers vidés de leurs prérogatives et initiatives et souvent court-circuités par des instances de décisions multiples, tout spécialement dans les établissements publics et les musées de métropoles régionales. D’autre part, la restitution et la transmission des savoirs issus de l’étude des collections n’est plus au coeur de la programmation culturelle des établissements, notamment celles des établissements publics, happés par une politique de collaboration avec des établissements internationaux, au détriment des réseaux territoriaux.
Nous souhaitons qu’avant de lancer des perspectives d’avenir sur cette nouvelle économie des métiers de musées, nous revenions sur ce qui fait la valeur de nos métiers dans ces institutions, notamment la valeur des liens humains et des compétences créés autour de nos engagements professionnels de valorisation des collections publiques (des métiers manuels ou techniques, de surveillance et de magasinage à la conception de formes nouvelles de muséographies ou de médiatisation des savoirs).
Comment les impératifs de croissance de la fréquentation, de production d’expositions, de publications ou d’autres événements, ont-ils transformé notre travail de valorisation des collections et provoqué l’irruption et l’autonomisation des métiers de la documentation, des fonctions de régisseur de collections, d’architecte scénographe, l’externalisation de missions autrefois assurées par des agents du ministère ou des collectivités territoriales ou la création de multiples pôles de production ou de contrôle de gestion ? Ce n’est pas tant l’émergence de ces nouveaux métiers qui pose problème à certains d’entre-nous que la disparition du rapport humain personnel dans l’organisation de ces projets culturels que sont la rénovation d’un département de musée ou la réalisation d’une exposition temporaire, l’interférence du pouvoir de décision des services ou directions de production de certains établissements publics avec les savoirs-faire et les compétences développées au fil des années autour de ces projets muséographiques, tandis que l’externalisation des fonctions de surveillance, sous prétexte d’une technicité accrue, aboutit à la perte des échanges nécessaires d’information entre métiers de la conservation et métiers de la surveillance et à la disparition d’une culture commune d’accueil des publics au sein des institutions muséales.
Parmi les plus graves dérives observées depuis une génération, la multiplication des établissements publics et la quête d’une plus grande autonomie des financements ont abouti à un nouveau mode d’organisation des musées sans que l’équilibre financier tant recherché ne soit atteint. Les organigrammes de ces établissements ne sont plus compréhensibles ni en lien direct avec ce qui fait un musée, c’est-à-dire la présentation et la valorisation de ses collections permanentes ; beaucoup de musées se sont structurés en fonction de cette nouvelle économie et gestion budgétaire. Une nouvelle génération de conservateurs est d’ores et déjà formée à exercer une profession de « manager » dans un nouveau contexte entreprenarial. Le flou entretenu autour de cette nouvelle manière d’exercer le métier masque le fait que cette définition s’est imposée d’en haut. En passant d’un mode d’organisation du travail à un autre, de la « cité
inspirée » (Luc Boltanski) à la cité industrielle voire au modèle de l’entreprise, le respect du savoir, de la compétence scientifique, intellectuelle mais aussi celle des savoirs-faire a été oublié. Le SNAC-FSU continue de penser que remplacer un projet culturel et scientifique par des algoritmes de croissance et de conquête des publics est une impasse, tant pour les acteurs de cette institution que pour ses visiteurs. Les musées doivent demeurer porteurs de leurs propres valeurs vis-à-vis du champ social et ne pas se transformer comme cela se voit parfois actuellement en un champ de force où des valeurs importées, notamment mercantiles, s’imposent de l’extérieur.
Accueil, surveillance et magasinage (Groupe de travail n°4 : Le musée comme écosystème professionnel et économique créatif).
Il est toujours aussi difficile d’apporter un éclairage sur la situation des personnels non scientifiques au sein du ministère, et particulièrement sur la situation préoccupante des nombreux agents de la filière accueil et surveillance de catégorie C: corps disloqué, détaché de sa tête technique qui s’éloigne du terrain, en catégorie A et B. Cette filière, disparate, hétéroclite, ne construit pas de carrières véritablement choisies mais résulte d’un contexte socio-économique qui conjugue pénurie de l’emploi et multiplication de personnels surdiplômés. C’est sans doute de ce postulat incertain qu’il faut partir si l’on veut y voir plus clair. Les agents de cette filière restent longtemps affectés sur des postes alimentaires, avec un « boulot » qui ne leur offre à peu près aucune perspective d’évolution. Ce qui rend le poste vivable c’est, le plus souvent, le liant humain et culturel, tout ce qui fait que l’on s’attache à une activité peu attractive quand la mission relève plus de la tâche répétitive. Nous savons, à la lumière du schéma de Karasek, que lorsque la charge psychologique de travail d’un sujet passif est associée à une faible latitude décisionnelle, la situation vécue est à risque pour la santé: être un agent posté constitue une atteinte physique et psychique. Maintenu dans un tel enclos tout être humain se voûte et s’inhibe, même entouré de chefs d’œuvre. Telle est la situation clinique des agents postés de catégorie C dans nombre de nos musées. Le bilan socio-professionnel est plus qu’alarmant. Les propositions entendues lors de nos rencontres dans le cadre du groupe de travail n°4, argumentant en faveur de la mobilité des
« petites mains » comme unique remède envisagé contre l’ennui, nous éloigne malheureusement du traitement de fond jamais osé par nos tutelles. Comment un déplacement obligatoire serait-il un bienfait quand le déplacement d’office constitue une sanction du deuxième groupe?
Heureusement, l’écosystème muséal n’est pas dépourvu de liens réticulaires organiques, de tissus relationnels élégants et humanistes qui donnent du sens à nos quotidiens en apparence cloisonnés. Ce liant humain et culturel est déjà mis en œuvre par les plus résistants, ceux dont la vitalité, mise à rude épreuve, n’est pas encore réduite à néant, et qui réclament un acte managérial fort : la reconnaissance des liens professionnels dans les établissements, reliant professionnellement les personnels scientifiques et les autres, ceux qui ouvrent les portes, font des rondes de sécurité dans les couloirs, transmettent le courrier, ceux qui veillent la nuit… Dans le secteur privé, les personnels d’accueil, de surveillance, de sécurité, de sûreté, bénéficient de formations qualifiantes. Dépourvu de moyens, le service public culturel malmène ses agents alors qu’il devrait pouvoir simplement faire mieux s’il favorisait ce liant qui fait sens, où chacun devrait pouvoir trouver une place digne et reconnue. Une reconnaissance salariale doublée d’une réforme managériale valorisant la présence humaine sur le terrain est aujourd’hui nécessaire pour revitaliser le personnel de cette filière sans qui les établissements culturels ne sont pas viables.
Des réseaux patrimoniaux transversaux : le cas de l’archéologie. (Groupe de travail 2: Le musée protéiforme : in situ, hors les murs, virtuel).
Parmi les différentes formes de musées, les musées d’archéologie posent de manière singulière la question du in situ. Les collections hors-sol des musées contemporains de l’essor de la discipline (seconde moitié du XIXe siècle) ont retissé des liens avec les sites archéologiques dont sont issues leurs séries archéologiques (le musée d’archéologie nationale de St Germain-en-Laye, le musée de Préhistoire des Eyzies, le musée archéologique de Strasbourg…). La mise en valeur des sites et des musées est pensée conjointement, même en cas de distance géographique entre les lieux de conservation et les sites archéologiques. Une réinterprétation des collections anciennement mises au jour est menée à l’occasion de nouvelles fouilles (sites paléolithiques du Roc-de-Sers ou d’Angles-sur-l’Anglin, sites laténiens d’Alésia ou de Bibracte pour le musée d’archéologie nationale). Par ailleurs et depuis les années 1980, les musées de sites sont devenus le paradigme du musée archéologique. La réussite de plusieurs de ces institutions de création récente montrent qu’un élargissement des thématiques du musée, initialement conçu autour d’un site emblématique, a accompagné la conquête d’un public plus large (public de proximité comme public touristique). Un projet scientifique, muséographique et culturel conçu autour d’un phénomène culturel représentatif d’une période chronologique, phénomène abordé dans un contexte géographique large (européen, méditerranéen…) est à la base de la réussite du Centre européen du Mont-Beuvray, du Musée Henri Prades ou du Laténium de Neuchâtel…
Certains de ces musées se constituent par ailleurs en réseaux patrimoniaux thématiques, aux côtés des réseaux professionnels existants (association de conservateurs en régions…). On ne peut que souhaiter une politique de rapprochement patrimonial où des ensembles de sites et de musées représentatifs d’un phénomène culturel large coopéreraient (art pariétal paléolithique, mégalithisme breton et du Grand-Ouest, urbanisme et centres économiques pré-romains…) afin d’attirer un public plus nombreux vers une rencontre concrète avec les lieux de mémoire les plus lointains de l’histoire européenne. La création d’itinéraires du patrimoine mêlant valorisation des sites, des monuments et des musées, itinéraires qui ne seraient pas seulement des propositions virtuelles disponibles sur internet (telle celles du ministère de la culture espagnol par exemple) mais des projets incarnés par tous les professionnels du patrimoine et de la médiation devrait être soutenue par notre ministère.
A une époque où les réalités virtuelles envahissent notre quotidien, où les archéologues eux aussi s’engouffrent dans la multiplication des restitutions 3D et les hypothèses de reconstitutions d’objets composites, de superstructures ou de machines antiques, proposer un contact avec la matérialité des objets issus de la fouille n’est pas une mission négligeable. Bien entendu, le musée se définit encore comme le lieu où l’on peut apprécier le rapport à l’objet authentique, même si cela n’est plus suffisant. L’importance prise ces trente dernières années par l’exposition temporaire, lieu d’expérimentation muséographique et scénographique, doit être comprise comme la possibilité d’expérimenter des rapports nouveaux, singuliers et parfois inattendus aux objets et aux œuvres, mais aussi aux discours et à la place respective du savant et du visiteur.
**Les expositions temporaires et les nouvelles formes de médiation participatives comme expérimentations des possibles et comme réalisations d’une utopie citoyenne?
Le croisement des points de vue, le rapprochement d’objets et de formes artistiques issus de contextes culturels éloignés dans le temps et l’espace, contribuent à faire bouger les frontières entre les musées et certains conservateurs y contribuent plus que d’autres. La visite d’une exposition temporaire devient une expérience de confrontation à une construction intellectuelle et muséographique originale, confrontation qui peut transformer notre rapport aux savoirs, aux objets, aux cloisonnements des disciplines.
La place que réservent les professionnels de musées aux visiteurs dans la conception même de leur projet contribuera à l’évolution de l’institution muséale. En plaçant ce dernier en situation d’acteur à l’intérieur du dispositif muséographique, en lui proposant de s’investir dans une action culturelle autour d’une proposition muséographique, en sollicitant ses compétences, sa mémoire ou sa contribution écrite à un projet muséographique -et ce quelle que soit la forme ou la déclinaison, virtuelle ou non, que celui-ci prendra, c’est une mise en relation et un rapprochement qui s’opèrent. Cet engagement ou cette participation sont devenus un objectif en soi, celui de rapprocher les citoyens de nos musées. Musées de société, musées scientifiques et muséum d’histoire naturelle sont aujourd’hui à la pointe de ces expériences. Il faut évidemment que celles-ci se généralisent.