Louvre – De l’utilité du télétravail : l’expérience du déconfinement.

Non, le télétravail n’est pas une planque ! Ce n’est pas un moyen pour rester chez soi bien tranquille pendant que ceux qui sont en « présentiel » prennent tous les risques.
La crise covid 19 aura sans doute eu la faculté de transformer le travail, d’expérimenter de nouvelles modalités organisationnelles, de nouveaux contrôles du temps travaillé, de nouvelles manières d’être ensemble au travail.

Si nous avons reproché à la direction de notre établissement de ne pas avoir suffisamment anticipé cette crise, si le confinement fut décidé « à l’arrache » en mars 2020, laissant les personnels de l’établissement, agents publics, contractuels et prestataires en autorisation d’absence prolongée sans aucune préparation, parfois sans aucun contact ni aucun lien professionnel au cours de longues semaines, sept mois plus tard, il serait sans doute nécessaire que cette même direction du Louvre reconnaisse une forte capacité d’adaptation aux moyens informatiques et téléphoniques qui ont finalement permis aux personnels de maintenir les activités les plus vitales pour le musée, d’organiser la mise en œuvre des travaux, d’accompagner la maintenance, de construire de nouveaux circuits d’échanges immatériels, d’autoriser les mises en paiement, de contribuer à la sécurisation des lieux et enfin, de permettre la réouverture au public dans un contexte sanitaire le plus sécurisé pour tous.

Certains d’entre nous, déjà équipés d’un ordinateur portable et d’un téléphone de service ont simplement continué à servir, confinés mais en télétravail dès le mois de mars.

D’autres ont été contraints de se réorganiser à distance pour être utiles et de reprendre leur travail dans un confort relatif en période de confinement, expérimentant le télétravail : merci à nos accompagnants techniques, en informatique et téléphonie, liens indispensables à distance.

Il n’est pas forcément agréable de travailler depuis chez soi (contraintes familiales, confort du lieu de vie…), de devoir se connecter à partir d’un lieu essentiel à notre vie privée, sachant qu’avoir « un endroit où l’on peut s’isoler des autres » comme l’explique le psychiatre Christophe Lançon est un élément essentiel pour notre santé mentale.
La réunion à distance par exemple peut être vécue comme une intrusion dans cet espace privé. Cela implique un certain consentement déjà mis à rude épreuve par le confinement lui-même. Un consentement où l’on cède notamment aux limites visuelles et auditives de notre intimité sachant que nos sociétés de l’immédiateté de l’image et du son ne sont pas forcément le gage d’une bonne santé psychologique.

Ainsi, le télétravail a d’abord et surtout réclamé une adaptation physique et mentale des agents du Musée du Louvre.

Mais le télétravail a également permis de retrouver une satisfaction professionnelle, d’être utile à nouveau. Parfois cette mise en place a été l’occasion d’être finalement plus efficace, plus concentré, plus détendu loin des contraintes physiques du trajet jusqu’au bureau, loin des horaires variables avec quatre pointages par jour auxquels bon nombre d’agents étaient encore soumis il y a peu et loin des bureaux partagés qui génèrent parfois un autre type de confinement, des désagréments routiniers plus ou moins détectés, plus ou moins toxiques, plus ou moins démobilisateurs.
Dans le cadre des services, les réunions à distance ont parfois été vécues comme des « pauses café » : lieux immatériels mais savoureux pour l’échange professionnel des agents isolés.

La possibilité de ne pas donner accès à l’image du cadre intime de la vie privée par l’utilisation des caches a également permis de mettre virtuellement à distance une hiérarchie trop intrusive ou encore, cette obligation d’appartenance à un groupe qui, depuis la maison, peut paraître plus sclérosant.
Enfin, les déconnexions qui suivaient le rythme normal du service permettaient également de retrouver un cadre professionnel bien délimité par le temps du travail et le temps de la vie privée.
Le degrés d’autonomie renforçant la maîtrise du poste, le taux de stress lié à la contrainte de la charge s’en est trouvé réduit : le bienfait psychique a été certain.

Faut-il avoir peur de ce grand changement ? Faut-il avoir peur de ne plus se déplacer physiquement vers le lieu dédié au travail pour être au travail ? Faut-il avoir peur du « télétravail » lorsqu’il est techniquement et professionnellement possible de l’organiser ? Faut-il craindre de perdre nos petits bureaux ou espace personnalisés avec photos du couple et des enfants comme signe d’appartenance, de confort et donc de réussite sociale ?! Quels sont les dangers d’une telle transformation ?

Inutile de citer le bien-être lié à la sieste pratiquée au travail dans les pays scandinaves qui aurait l’avantage d’optimiser la productivité : laisser dormir les employés ne serait pas français !
Serions-nous donc véritablement hostiles à tout changement, bien convaincus que le travail ne rend pas heureux ? Qu’il est incompatible avec la liberté mais toujours synonyme de contraintes, de contrôles, de soumissions ?

Si la réorganisation des services à distance a généré du plaisir, c’est bien parce que l’objectif était de retrouver l’utilité d’une action, une mission au cœur de l’entreprise, alors que tout était arrêté.

Les agents confinés étaient plus déstabilisés que planqués ! Pour la plupart d’entre nous il fut long et difficile d’attendre un contact, un signe pour amorcer le retour. Le télétravail parfois réorganisé en quelques jours fut une délivrance : une première victoire sur l’épidémie de covid 19.

Le télétravail est bientôt apparu comme un nouveau réseau reliant les compétences, relançant l’action des services transversaux et la circulation de l’information la plus nécessaire.
Nos communications en ont été renforcées, plus précises. A croire que les crises permettent de rationaliser l’action, d’aller à l’essentiel.

Sans prendre les transports, parfois connectés plus tôt et déconnectés plus tard, il a fallu réserver des temps de déconnexion bien institués dans les services, afin de ne pas déborder les temps de repos et de vie privée. Penser également à se lever de son fauteuil. Prendre garde aux risques physiques liés à l’excès de sédentarité.

Enfin, la reprise in situ permettant de ne télétravailler que 2 à 3 jours par semaine a rééquilibré l’expérience liée au confinement : le présentiel, pratiqué en relais dans les bureaux partagés notamment, est actuellement l’occasion de se protéger et de protéger les autres mais également de renouer avec le plaisir du travail sur place, dans le respect des mesures sanitaires dont le port du masque.
Notons que certains d’entre nous préfèrent venir sur place, utilisant au minimum leur temps télétravaillé. Le télétravail doit avant tout être un choix de l’agent validé par le chef de service.

Cette planification dans les équipes est également l’occasion de réorganiser l’action et d’envisager la connexion en bureau et la connexion en télétravail comme deux temps travaillés distincts et spécifiques.

Le SNAC-FSU section Louvre, approuve la mise en œuvre du télétravail 2 à 3 jours par semaine chaque fois qu’elle est possible, comme le prévoit la nouvelle réglementation et la charte du Musée du Louvre qui sera représentée au CHSCT puis au CT de novembre.