Courrier de l’intersyndicale au sujet de la grave situation des agent-e-s précaires de la Bpi

CGT – FSU – SUD – UNSA

Monsieur le Ministre,

Nos organisations syndicales vous contactent au sujet des situations de précarité grave que subissent les agent‑e‑s contractuel‑le‑s à temps incomplet de la Bibliothèque publique d’information.

Depuis de nombreuses années, cet établissement établit des CDD de six mois, non-renouvelables (avec la pratique d’une période de carence de deux ans avant une éventuelle nouvelle embauche), pour assurer les tâches d’accueil ou de rangement des documents. Ces contrats sont établis à temps incomplet, pour un temps de travail compris entre soixante et soixante-dix heures par mois, soit 40 % à peu près d’un temps plein. Or, le taux horaire de ces contrats correspondant au niveau du SMIC horaire, ces agent‑e‑s perçoivent un salaire de base de 450 à 600 euros par mois, ce qui, en particulier en région parisienne, ne permet pas de vivre ni de se loger décemment. Il arrive que ces agent‑e‑s accomplissent quelques heures de travail complémentaires, mais cela reste aléatoire et ne leur procure pas, en tout état de cause autre chose qu’un salaire de misère.

Ces postes, qui correspondent à des missions essentielles de la Bpi, relèvent de besoins permanents à temps incomplet, ainsi que le spécifient explicitement les contrats de ces agent‑e‑s, fondés sur l’article 6 de la loi n° 84‑16. Mais, en recourant à des CDD (plutôt qu’à des CDI), sur des quotités très inférieures à 70 % et en imposant une période de carence de deux ans, la Bpi ne respecte pas l’instruction ministérielle du 27 juillet 2015, toujours en vigueur et que vous avez vous-même renouvelée. En effet, page 7, celle-ci « encourage les établissements publics et services relevant du ministère à recruter les agents contractuels à temps incomplet en CDI et à tendre vers une quotité horaire de 70 % d’un temps plein, dès lors que l’agent le souhaite ». Elle précise que « par ailleurs, l’usage de quotités horaires trop basses et abusivement fractionnées est proscrit, notamment au regard des conséquences pour les agents en termes de droit sociaux et de santé au travail ».

Tel est bien le problème que posent ces contrats abusivement précaires : en plus d’être sur des CDD de courtes durées avec des salaires très bas, ces agent‑e‑s contractuel‑le‑s à temps incomplet n’ont pas de vrais congés payés, ils/elles ont des difficultés concernant les arrêt-maladies, ils/elles n’ont pas accès à la formation continue, ils/elles ne peuvent pas bénéficier des prestations d’action sociale et n’ont pas accès au parc de logement sociaux du ministère de la Culture, ils/elles n’ont pas assez d’ancienneté cumulée pour passer en interne les concours du ministère de la Culture et leurs titres de transport ne leur sont pas remboursés à la hauteur où cela devrait l’être. De manière plus symbolique, ces agent‑e‑s, à cause de la durée trop courte de leurs contrats, n’ont pas droit à la carte Culture et ne peuvent donc pas bénéficier de ce dispositif qui permet à la fois d’accéder aux offres culturelles de notre ministère et de marquer l’appartenance formelle à celui-ci. En sommes, ils et elles n’ont pas les mêmes droits que les autres agent‑e‑s, titulaires ou contractuel‑le‑s de la Bpi et du ministère de la Culture, ce qui n’est pas acceptable.
Enfin, étant donnée la durée très courte de leurs contrats, il est très vraisemblable qu’à la fin de leurs contrats, ces agent‑e‑s ne pourront bénéficier d’aucune allocation chômage à cause des nouvelles règles d’indemnisation prévues par la contre-réforme de l’assurance chômage ou bien que cette allocation sera très faible et ne leur permettra pas de survivre.

Cette grave précarité concerne actuellement plus d’une cinquantaine d’agent‑e‑s contractuel‑le‑s à temps incomplet, ce qui représente à peu près 24 % des effectifs de la Bpi, proportion énorme qui montre bien l’ampleur du problème.

Pour l’intersyndicale CGT-FSU-SUD-UNSA du ministère de la Culture, il n’est pas acceptable qu’une telle situation de précarité demeure près de cinq ans après l’entrée en vigueur de l’instruction ministérielle qui devait y mettre fin. Il n’est pas possible qu’un établissement comme la Bpi continue sciemment à recruter sur contrats de six mois avec des quotités de travail très basses sur des besoins reconnus par elle-même comme permanents, alors que des établissements comme le musée du Louvre, la Bibliothèque nationale de France, le musée Guimet, le château de Versailles, pratiquent depuis plusieurs années l’embauche en CDI sur des quotités horaires plus importantes pour les postes d’agent‑e‑s contractuel‑le‑s à temps incomplet, améliorant ainsi la situation de ces agent‑e‑s.

Par ailleurs, cette forte précarité entraîne un remplacement permanent de près d’un quart de l’effectif de la Bpi, ce qui crée une instabilité permanente dans les équipes de travail, nécessite de former constamment du personnel mais ne permet pas une bonne formation continue de ces agent‑e‑s précaires. La mise en place d’une embauche en CDI avec des quotités horaires plus importantes est donc dans l’intérêt du bon fonctionnement de la Bpi, qui renforcera ainsi ses équipes de travail et pourra mieux remplir ses missions de service public.

Parce que cette situation d’ultra-précarité dont est victime près d’un quart du personnel de la Bpi ne peut pas durer, parce qu’il n’est plus envisageable que nos collègues travaillent pour un salaire de misère (la moitié du seuil de pauvreté) et n’aient pour seule perspective professionnelle que le chômage, l’intersyndicale CGT-FSU-SUD-UNSA du ministère de la Culture vous demande, Monsieur le Ministre, de :

– Donner les instructions nécessaires pour que les agent‑e‑s contractuel‑le‑s à temps incomplet sur besoins permanents à la Bpi passent immédiatement en CDI et que les embauches sur ce type de postes à l’avenir se fassent directement en CDI ;
– Donner les instructions nécessaires pour que les quotités horaires de ces agent‑e‑s soient augmentées, selon la demande de chacun‑e, jusqu’à 70 % d’un temps plein, étant précisé que les besoins de la Bpi, en termes de temps de travail existent ;
– Faire en sorte que ces agent‑e‑s bénéficient à égalité des droits des autres agent‑e‑s du ministère de la Culture, que ce soit en matière de congés payés, d’arrêts-maladies, de remboursement des titres de transport, d’accès aux formations, aux prestations d’action sociale, etc.
– Trouver des solutions satisfaisantes concernant les agent‑e‑s contractuel‑le‑s à temps incomplet de la Bpi dont les contrats abusifs se sont terminés récemment, à la fin de l’année 2019 et au début de l’année 2020, afin qu’ils/elles puissent être réemployé‑e‑s, car ils/elles auraient dû avoir dès le départ des CDI et ils/elles ne doivent pas être victimes des CDD trop courts que leur a imposé la Bpi ;
– Créer les postes de titulaires dont la Bpi a besoin afin de pourvoir les postes vacants et ne pas laisser les agent‑e‑s contractuel‑le‑s à temps incomplet seul‑le‑s aux postes d’accueil ;
– Procéder à l’ouverture régulière de concours, avec de vrais volets internes comportant un nombre de postes suffisants pour permettre une sortie de la précarité, en particulier au début de la catégorie C ;
Mettre en place un vrai plan de titularisation des précaires.

Nous souhaitons vous rencontrer en présence des responsables concerné‑e‑s de la DGMIC et du secrétariat général du ministère, afin d’évoquer avec vous les moyens de mettre fin le plus vite possible à cette situation de précarité intolérable et de trouver des solutions positives pour les agent‑e‑s concerné‑e‑s.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, nos salutations syndicales les plus vigilantes.

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