Parvis de la cathédrale de Valence : nouveau scandale archéologique en Auvergne-Rhône-Alpes

La direction de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes a décidé de laisser détruire des vestiges archéologiques majeurs sur un chantier sous maîtrise d’ouvrage … de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes !

En octobre doit démarrer -si personne ne s’y oppose- d’importants travaux de « requalification » du parvis de la cathédrale de Valence en passant outre la réglementation sur le patrimoine, sans opération d’archéologie préventive.

Un site archéologique exceptionnel

Les travaux prévus se situent devant la cathédrale de la ville (classée Monument Historique depuis 1862) et à l’emplacement même des vestiges de l’église canoniale Saint-Étienne (Xe siècle), mais aussi du groupe épiscopal primitif de Valence (Ve siècle), connu des archéologues depuis le milieu du XIXe s. !

Le parvis est au cœur de l’ancienne capitale de cité de l’époque romaine, les archéologues y situent un édifice de spectacle (un odéon)et le tracé du mur d’enceinte. Les multiples sondages et observations archéologiques réalisés dans le secteur et anciennement à l’emplacement même des travaux prévus ont déjà permis de mettre au jour un baptistère paléochrétien (doté de rares mosaïques desVe-VIe siècles) et de multiples vestiges antiques et médiévaux. Et les vestiges affleurent immédiatement sous le bitume.

Des travaux d’ampleur

Dès que les travaux de « décroutage » de la place auront commencé, les vestiges archéologiques seront donc les tripes à l’air et doncirrémédiablement abîmés. Mais on fait confiance à la maîtrise d’œuvre du chantier pour « faire au mieux », sans prescription d’archéologie préventive, sans surveillance des travaux par une équipe d’archéologues.

Les travaux de réseaux, de reprise de canalisation, de creusements à travers les vestiges antiques et médiévaux, devront se faire sans reconnaissance archéologique préalable, sans même la présence permanente d’une équipe d’archéologues…

Les travaux de restauration du mur de soutènement de la place nécessiteront de « purger » les niveaux archéologiques sur 5 à 6 mètres de profondeur, à l’emplacement supposé du tracé de l’enceinte romaine ! Sans fouille archéologique, sans relevé, sans mesure de conservation préventive …

Mais l’État décide de se passer des contraintes qu’il impose habituellement aux aménageurs privés et publics…

Dans le cadre du vaste projet de rénovation urbaine de Valence, l’État s’est engagé à réaménager le parvis de la cathédrale de la ville. Or si l’État assure la maîtrise d’ouvrage des travaux de restauration des cathédrales, propriété de l’État, les travaux projetés se situent majoritairement aux abords de l’édifice, sur un terrain propriété de la ville.

Pour une raison inconnue (économies budgétaires, proximité des élections municipales ?) la décision a été prise de mener ces travaux rapidement, d’exempter la commune de la charge des contraintes liées au patrimoine et de laisser la DRAC seule assumer travaux, dépenses et contraintes réglementaires. On est surpris que le directeur de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes, ancien sous-directeur de l’archéologie, ait pu valider un tel montage. On espère que ce passage en force n’est pas lié à une pression du pouvoir politique. On se souvient que le maire de Valence était ministre dans l’éphémère gouvernement Barnier l’an passé au côté de Mme Dati.

il n’y a pas lieu d’intégrer les préoccupations de sauvegarde archéologique dans ce projet d’aménagement…

Les services déconcentrés des Monuments Historiques et de l’Archéologie, sous autorité du préfet de région, doivent faire appliquer le code du Patrimoine que ce soit sur des projets d’aménageurs privés, de collectivités locales ou sur les projets portés par l’État. Le ministère de la Culture est chargé de protéger et non de détruire le patrimoine !

Comment faire appliquer le droit, comment exiger demain des aménageurs de prendre en charge tout ou partie du coût des fouilles préventives, comme le prévoit la loi, si l’État montre le mauvais exemple en s’affranchissant de ses propres obligations.

Chronique d’une catastrophe annoncée

Alors que l’archéologie préventive traverse une crise sans précédent. Alors que les archéologues se mobilisent depuis des mois pour sauver l’archéologie préventive, avec une très forte mobilisation de l’ensemble de la communauté à Paris en juin ; alors que les attaques contre le patrimoine par certains parlementaires se succèdent ; alors qu’en Auvergne-Rhône-Alpes une demi-douzaine d’opérations archéologiques a déjà été abrogée sous prétexte de manque de moyens d’intervention, le directeur de la DRAC a décidé que la DRAC détruira sciemment, en octobre, des éléments majeurs de notre patrimoine collectif.

Cerise sur le gâteau, ce haut fonctionnaire sera parti fin septembre vers de nouvelles et hautes fonctions au ministère… pour remerciement pour service rendu ?

Pas au service du patrimoine archéologique en tout cas !

Si le ministère de la Culture ne fait pas marche arrière, nous, les archéologues, nous serons là pour empêcher ce désastre !

Affaire à suivre…

        

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