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UDAP 24 : lettre ouverte de la FSU et de la CGT à Franck Riester

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Monsieur le Ministre, les agents de la DRAC Nouvelle-Aquitaine s’adressent à vous :

Le 16 octobre dernier, les agents de la DRAC Nouvelle-Aquitaine découvraient la synthèse des propositions du Préfet de région relatives à la transformation de l’organisation territoriale des services publics en Nouvelle Aquitaine. Ils y ont appris l’expérimentation, « d’une préfecture reprenant (…) les missions d’ingénierie culturelle de la DRAC et une seule DDI reprenant (…) les missions patrimoine de l’actuelle UD Drac (…) ».

Depuis cette annonce nous sommes allés à la rencontre des agents des DRAC et des UDAP de Nouvelle-Aquitaine, et bien sûr celle de Dordogne concernée au premier chef par les projets du préfet de région. Tous nous ont fait part de leurs plus vives inquiétudes concernant l’abandon « des missions ingénierie culturelle de la DRAC » à la préfecture de département et de la reprise « des missions patrimoine de l’actuelle UDAP » par la direction départementale interministérielle.

Lors de ces rencontres, les agents ont souhaité vous alerter sur les dérives que ces projets, même expérimentaux pourraient engager et vous demandent :

– de mettre fin au processus de désengagement de l’Etat sur les questions de culture

Ce processus a été initié d’abord par la diminution des moyens économiques, ce qui a progressivement engagé la baisse drastique des moyens humains et matériels. Cette étape a de fait entravé les moyens de faire et désorganisé considérablement les services, donnant à vos prédécesseures l’occasion de réformer, restructurer (ou, pour reprendre le vocabulaire des directions, transformer) sans cesse et en dépit du bon sens notre ministère. Les dysfonctionnements s’accumulent, le travail empêché devient monnaie courante et la troisième étape ne se fait pas attendre. Elle consiste désormais à supprimer les missions puisqu’il est devenu impossible de les réaliser pleinement. A ce stade tout est permis : les externaliser au privé ou les confier à d’autres ministères ou collectivités.

Le constat est pourtant sans appel. En 2013, le rapport d’évaluation de la RGPP constatait que le ministère de la culture était «devenu moins agile ». En 2018, le rapport mené par une triple inspection en DRAC reconnaissait : « un risque indéniable de dégradation rapide des directions régionales qui pourrait priver le ministère de la culture de ces outils pour diffuser les politiques culturelles de l’Etat, sur l’ensemble des territoires ». La preuve n’est plus à faire : cette politique de désengagement ne marche pas, et n’est efficace que pour casser nos services, le travail des agents et leurs missions.

– de refuser le projet d’expérimentation en Dordogne, mais aussi dans d’autres DRAC, notamment en DAC Guyane.

Là encore, M. le Ministre, les bilans passent et les constats sont cinglants : à chaque fois que le ministère se sépare de ses compétences, il perd en lisibilité jusqu’à devenir inexistant. Il suffit de regarder ce que sont devenus les services de l’inventaire, ou encore la délégation de compétence en Bretagne.

– de renforcer une spécificité fondamentale des UDAP et de leur DRAC : leur unicité

Les DRAC ne disposent pas de services départementalisés, les UDAP étant spécialisées pour l’architecture et le patrimoine. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’en 2011, la RéATE avait épargné la fusion des DRAC avec un autre ministère, préférant fusionner les DRAC et les UDAP afin de renforcer leurs liens.

– de réaffirmer la place du patrimoine, et plus largement l’ensemble des services, en le maintenant dans notre ministère.

Le patrimoine représente l’essentiel de l’activité d’une UDAP. Nous pouvons imaginer l’ampleur des dégâts si cette expérimentation et son étendue était validée. Cette expérimentation est d’autant plus incompréhensible que le Premierr ministre demande que l’on renforce le rôle et les missions du patrimoine. La question du patrimoine se pose dans un contexte de remise en cause de l’avis conforme de l’ABF, de déconsidération du travail des collègues avec le loto du patrimoine et la mission Bern et bientôt le transfert à des établissements publics des Journées européennes du patrimoine ou la Nuit de la lecture.

Les secrétariats généraux, les fonctions supports, les services d’archives et documentaires, les services créations sont les moyens fondamentaux de fonctionnement des services, ils sont la mémoire et la connaissance des missions, ils sont les experts des évolutions de l’art passé, et celui de demain. Ces services doivent rester dans le périmètre des DRAC. Leur place est ici et pas ailleurs.

– d’affirmer clairement que la culture ne peut pas, et ne doit pas être portée par le ministère de l’intérieur

Envisager que les missions patrimoniales de l’UDAP de Dordogne soient reprises par la DDI et que les missions d’ingénierie culturelle de la DRAC, soient reprises par la préfecture de département est inconcevable. S’engager dans cette perspective nous ferait revenir vers des périodes sombres de notre histoire culturelle. Si les uns s’occupent de l’ordre public, notre ministère, notamment par la création, doit porter le « désordre public ». C’est crucial. Les agents rencontrés ont clairement exprimé leur hostilité à cette possible perspective et ils ont réaffirmé qu’appartenir au ministère de la Culture est un choix auquel ils tiennent.

– de défendre un socle commun égalitaire et équitable du ministère de la culture sur tous les territoires

Les missions, les services doivent impérativement partager un socle commun d’une DRAC à l’autre. On ne peut mener une politique culturelle égalitaire si l’on disloque et dissocie les services. Les usagers comme les agents doivent pouvoir trouver ailleurs les mêmes services et les mêmes perspectives professionnelles.

Sur la forme, les inquiétudes des agents se sont aussi exprimées :

Ils ne supportent plus la manière dont sont prises les décisions (trop rapidement, en dehors des réalités de travail, en dehors des instances représentatives du personnel) et avant même qu’ils puissent y réfléchir et anticiper les conséquences. La méthode qui consiste à réfléchir après que les décisions soient prises n’est plus acceptable.

En 2018, il est inadmissible que les agents apprennent de telles décisions par des « bruits de couloir». Les agents ont des questions pourtant claires : si l’option d’expérimentation était confirmée, comment va-t-elle se mettre en place ? Comment vont-ils travailler avec la CRMH, le SRA ? Quels liens auront-ils ? Dans quels locaux exerceront-ils ? Seront-ils ministère de la Culture ou bien ministère de l’intérieur ? Ces questions bien légitimes trouvent auprès de notre administration locale un niveau de réponse pas du tout à la hauteur : « ce n’est pas parce que c’est écrit que ça se fera », « je n’en sais rien », « attendons de voir », « ne faisons pas de jus de crâne avant ». Les agents veulent retrouver leur objet de travail : LA CULTURE !

M. le Ministre, lors de votre intervention au CTM du 22/11/2018 vous soutenez que « le ministère ne peut pas fonctionner si les agents se sentent délaissés ». Le baromètre social 2018 doit vous éclairer sur le niveau d’inquiétude des agents. Seulement 12 % d’entre eux pensent que les orientations stratégiques du ministère vont dans la bonne direction ; seulement 27 % des agents des DRAC sont optimistes quant à l’avenir du ministère.

M. Le Ministre si l’écoute est l’un de vos trois grands principes, il vous faut entendre l’urgence de stopper ce processus et de l’orienter vers l’augmentation des moyens, seuls gages de l’amélioration et de l’accomplissement des missions et de l’existence même du ministère, seule façon de « redonner du sens dans leur action ».

Dans une région où plus de 80% des agents des DRAC ont participé aux élections de 2014, nous vous demandons de remettre tous ces sujets dans les circuits réglementaires des décisions CT et CHSCT nationaux et locaux.

M. Le Ministre, les décisions gouvernementales sont attendues pour la mi-décembre nous vous demandons de faire les bons choix pour notre ministère en région.

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Pour l’intersyndicale SNSD CGT Culture et SNAC FSU de la DRAC Nouvelle-Aquitaine

Emmanuelle Parent (emmanuelle.parent@culture.gouv.fr)
Patrica Cambra (patrice.cambra@culture.gouv.fr)/]